B) La prière à Marie
Dès les origines de l’Église, au moins depuis saint Justin (+ 165), la Mère de Jésus est appelée « La Vierge ». Ce titre lui est attribué bien avant celui de « Mère de Dieu ». Elle est et elle demeure dans le peuple chrétien : la Sainte Vierge. (...) « Le Prince de ce monde a ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la mort du Seigneur : trois mystères retentissants, qui furent accomplis dans le silence de Dieu » (saint Ignace d’Antioche, Éphésiens 19, 1) » [1]. Quant à l’appellation [2] « Sainte Vierge », Robert Pannet explique qu’elle apparaît pour la première fois chez saint Hippolyte, prêtre de Rome, du moins dans l’usage d’une communauté chrétienne, au IIIe s. Saint Pierre Chrysologue (406-450), évêque de Ravenne, est le premier, en Occident, à parler de « Notre Dame », autrement dit notre Reine. À Rome, la Vierge Marie est mentionnée au Communicantes du canon de la messe : « Nous vénérons en premier lieu la mémoire de la glorieuse Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ », prière qui figure toujours au canon 1 de la forme ordinaire du rite romain. À Rome toujours, une Vierge Impératrice ornait l’arc triomphal que le pape Sixte III (432-440) avait fait faire pour la basilique Sainte-Marie-Majeure. En bas de cette mosaïque, il avait fait poser cette inscription : « Vierge Marie, vous avez vaincu toutes les hérésies dans le monde entier [3]. » D’Égypte nous vient le premier manuscrit, un papyrus copié par un moine à la fin du IIIe s., avec la prière à Marie médiatrice de toutes les grâces : Sub tuum præsidium confugimus :
« Nous nous réfugions sous votre protection, sainte Mère de Dieu ! Ne vous montrez pas indifférente à nos prières, dans la détresse ; mais délivrez-nous sans cesse de tous les dangers, ô Vierge de gloire et de bénédiction ! » Marc-Antoine Charpentier et Camille Saint-Saëns, parmi d’autres, nous aident à le prier.
Nous devons au poète Sédulius, de la 1ère moitié du Ve s., le Salve Sancta parens, enixua puerpera Regem :
« Salut, sainte Mère, qui avez mis au monde
Celui qui régit le ciel et la terre au long des siècles ;
Lui dont le Nom demeure à jamais,
Lui dont le domaine embrasse toutes choses
Dans un siècle éternel ! »
La première apparition de Marie dont nous conservons une trace écrite est rapportée par Grégoire le Thaumaturge (v. 213-275), disciple d’Origène : « Une nuit, Grégoire réfléchissait sur la foi chrétienne... Voici qu’apparaît devant lui un vieillard à l’aspect solennel et religieux. Effrayé, il se leva et demanda à l’apparition : « Qui es-tu et que me veux-tu ? » L’inconnu lui parla doucement de la foi. Grégoire le regardait avec un sentiment mêlé de joie et de frayeur...
L’apparition étendit le bras dans la direction opposée. Grégoire regarda de ce côté et vit une autre personne, une femme d’une beauté surnaturelle. Il ne pouvait supporter l’éclat de cette vision. Or, il entendit les deux personnages converser entre eux du point de doctrine qui l’avait préoccupé et se désigner chacun par son nom. La femme demandait à l’évangéliste Jean d’expliquer à Grégoire le mystère de la foi. Le vieillard répondit qu’il le ferait pour le bon plaisir de la Mère de Dieu. Puis l’apparition prit fin et Grégoire s’empressa d’écrire ce qui lui avait été enseigné et d’en faire part à son Église, affirmant qu’une leçon du ciel avait été donnée en héritage » [4].
Faisons un saut dans le temps pour survoler les principaux aspects de la dévotion mariale telle qu’elle est vécue de nos jours dans l’Église. Ce saut est d’ailleurs tout relatif, puisque notre piété s’enracine dans celle des premières communautés chrétiennes.
[1] Guillaume de Menthière, Je vous salue Marie. L’art de la prière, Paris, Mame-Edifa, 2003, p. 77-78.
[2] Cf. pour ce passage Robert Pannet, Marie dans l’Église et dans le monde, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1987.
[3] Ibid., p. 45.
[4] Cité par Robert Pannet, Marie dans l’Église et dans le monde, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1987, p. 34-35.