Le sujet retenu, « avons-nous encore besoin d’un pape ? » appelle quelques précisions liminaires. Mon propos ne portera que sur la personne et la figure du pape en tant que tel - autrement dit indépendamment de celui qui occupe effectivement cette charge à l’heure actuelle -, donc sur le personnage singulier dont le rôle est à la fois spirituel et temporel et qui, le constat s’impose de lui-même, a un poids et jouit d’une respectabilité sans égaux sur la scène internationale. Une telle réalité suffirait à motiver mon intervention. Le sujet traité étant ramené à ces limites, en sont donc exclues les considérations historiques : il serait prétentieux et vain de vouloir retracer vingt siècles de présence de l’Église catholique et de la papauté dans le déroulement des affaires tant religieuses que politiques. Il faudrait pour cela, non pas une conférence, mais tout un cycle, et encore.
Ce préalable étant posé, notre présentation du pape va s’articuler autour de trois pôles. Nous verrons d’abord le successeur de Pierre, en tant qu’évêque de Rome et chef de l’Église catholique. Nous présenterons ensuite le chef d’État, apôtre de la paix, pour terminer par le pontife universel détenteur d’une mission dont l’action s’étend au monde entier. Ceci étant, des considérations limaires s’imposent pour présenter l’origine de la papauté.
I. Le successeur de saint Pierre : l’existence d’une primauté dans l’Église
Commençons donc par examiner les fondements de la présence d’une figure particulière à la tête de l’Église catholique. Nos sources sont, bien entendu, en tout premier lieu, les Saintes Écritures et, dans celles-ci, l’Évangile, les actes des apôtres et les lettres de saint Paul principalement.
Qui est saint Pierre ? Un obscur pécheur du lac de Galilée, tout au plus à la tête d’une modeste flotille. Pourtant, son frère André qui, avec le futur apôtre et évangéliste Jean, est devenu disciple de Jésus de Nazareth, est allé le trouver, c’est Jean qui le rapporte, pour lui dire : « Nous avons trouvé le Messie. » Alors, « le fixant du regard, Jésus lui dit : « Tu es Simon, le fils de Jean : tu t’appelleras Céphas, ce qui se traduit par « pierre » (Jean 1, 41-42). Jésus confirmera par la suite ce changement de nom. Remarquons que, dans la Bible, tout changement de nom suppose une mission divine. C’est le cas, par exemple, d’Abram, qui devient Abraham, c’est-à-dire « le père d’une foule de nations » (Gn 17, 5).
À Simon-Pierre qui confesse ouvertement que Jésus est Celui qui a reçu l’onction, le Fils du Dieu vivant », Jésus répond : « Heureux es-tu, Simon, fils de Jean ! Car tu tiens cette révélation non pas de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te le dis : Tu es Petrus, tu es Pierre, et c’est sur cette pierre que je bâtirai mon Église » (Mt 16, 15-18). Outre le jeu de mots, le prénom Pierre se disant Kephas en grec, tout comme la pierre, nous avons là le fameux Tu es Petrus qui a inspiré tant d’artistes, des compositeurs tels que Mendelsonnh, Saint-Saëns, Fauré, Le Flem, Duruflé, des cinéastes comme Maurice Cloche ou Philippe Agostini, et sur lequel s’ouvrent les acclamations carolingiennes.
« C’est sur cette pierre que je bâtirai mon Église, et les portes de l’Hadès, c’est-à-dire le pouvoir de satan, ne l’emporteront pas sur elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu auras lié sur la terre se trouvera lié dans les cieux, et ce que tu auras délié sur la terre se trouvera délié dans les cieux » (Mt 16, 18-19). C’est le fondement d’une juridiction qui présente les caracétéristiques d’être universelle et d’avoir la primauté sur toute autre juridiction. Nous relèverons le caractère divin, non de droit humain, de ce pouvoir de gouvernement.
Or, voilà que celui qui se trouve ainsi placé à la tête du « collège des apôtres » fait preuve d’une incroyable faiblesse quand leur Maître est arrêté, puis arbitrairement condamné et enfin crucifié. Il fuit lâchement par peur de subir le même sort. Mais Jésus avait pris les devants en lui annonçant : « Moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 32). Ce n’est donc pas la personne humaine de Pierre qui pèse lourd dans le rôle que la tête du collège des apôtres est appelé à jouer, mais sa qualité de vicaire du Christ, c’est-à-dire de qui gouverne l’Église à sa place et en son nom.
Jésus donnera à Pierre l’occasion de se faire pardonner sa faute : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime », et Jésus lui dit alors : « Pais mes agneaux » (Jn 21, 15), du verbe paître, sois le pasteur de mon troupeau, de mon Église. Et apparaissant à ses apôtres réunis, il dit : « Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. Cela dit, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint : les péchés de ceux à qui vous les remettrez leur seront remis ; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez » (Jn 20, 21-22). C’esr ce que l’on appelle le pouvoir des clés. C’est pourquoi saint Pierre est représenté des clefs à la main, clés qui figurent dans les armoiries du saint-siège.
Ainsi se trouvait constituée dans son noyau primordial la hiérarchie de l’Église catholique : le collège des apôtres, qui sont les premiers évêques, avec le pape à sa tête. Historiquement, Pierre a été le premier évêque de Rome. Ses successeurs sont aussi évêques de Rome et se succèdent sur le siège de Pierre (cf. Roland Minnerath, De Jérusalem à Rome. Pierre et l’unité de l’Église apostolique, Maris, Beauchesne, 1994). C’est ainsi que le Pontife romain actuel, le pape Benoît XVI, est le 265e pape et donc le 264e successeur de Pierre . Les évêques qui gouvernent l’Église sont les successeurs du collège des apôtres. Ainsi que le concile Vatican II l’expose, « le Seigneur Jésus, après avoir longuement prié son Père, appela à lui ceux qu’il voulut et en institua douze pour en faire ses compagnons et les envoyer prêcher le royaume de Dieu ; à cette institution des apôtres, il donna la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux. Il les envoya aux fils d’Israël d’abord et à toutes les nations pour que, participant à son pouvoir, ils fassent de tous les peuples ses disciples » (LG 19/a).
Le Concile Vatican II a précisé que, dans l’Église, le pouvoir s’exerce dans trois dimensions : l’enseignement, la sanctification et le gouvernement. Ce sont les aspects que nous retrouvons à un degré éminent chez le pape et sur lesquels nous allons nous arrêter maintenant. Nous commencerons donc par présenter la fonction d’enseignement ou de magistère du Pontife romain et sa fonction de sanctification ou prophétique (A), pour passer ensuite à sa fonction de gouvernement ou royale (B).
A) Les fonctions d’enseignement et de sanctification du pape
1. Le magistère ecclésiastique
Le mot « magistère » vient du latin magister, « maître ». Plus que d’entrer dans le détail des modes d’exercice du magistère, infaillible et non infaillible qu’illustre la diapositive, ce qui nous intéresse ici, c’est l’action concrète du pape.
a) Les lettres encycliques. Le moyen le plus habituel et solennel est le recours à la lettre encyclique. La première encyclique au sens où on l’entend aujourd’hui date de Benoît XIV (1740-1758). Mais ce genre littéraire se développe surtout à partir de Léon XIII (1878-1903), c’est-à-dire après la disparition des États pontificaux suite à l’unification de la péninsule italienne, en 1870. Les Souverains pontifes se considèrent alors prisonniers au Vatican et recourent à ce biais pour communiquer avec les évêques et les fidèles du monde entier.
À l’époque contemporaine, le pape Jean-Paul II a rédigé 14 encycliques, sur des sujets aussi variés que les interrogations de l’homme dans la société actuelle, l’humanisme ouvert sur Dieu dont l’Amour est plus fort que la mort et que le péché, la dignité du travail, le sens de la souffrance, la place de la Sainte Vierge dans la vie de l’Église et du monde, l’importance de l’Eucharistie, sacrement de la présence réelle de Dieu parmi les hommes, le rôle missionnaire de l’Église, les questions sociales et la solidarité avec les pays de l’hémisphère sud, la doctrine sociale de l’Église, la liberté humaine et la vérité morale, les rapports entre la foi et la raison, la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine, l’engagement en faveur de l’unité des chrétiens, etc.
Jusqu’ici l’actuel pape, Benoît XVI, a publié deux encycliques. Tout d’abord Deus caritas est, « Dieu est Amour », publiée le 25 décembre 2005, consacrée à la vertu théologale de charité. Si l’Eros est initialement essentiellement désir, vient à dire le pape, au fur et à mesure qu’il se rapproche de l’autre personne il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se donnera et désirera « être » pour l’autre : c’est ainsi qu’il pénètre en lui et qu’il s’affirme au moment de l’Agapé. En outre, l’amour pour le prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, en plus d’être un devoir pour chaque fidèle, l’est aussi pour toute la communauté ecclésiale, qui dans son activité caritative doit refléter l’amour trinitaire. La conscience d’un tel devoir a eu une importance constitutive pour l’Église depuis ses débuts. L’activité caritative chrétienne, en plus de la compétence professionnelle, doit se fonder sur l’expérience d’une rencontre personnelle avec le Christ, dont son amour a touché le cœur du croyant, suscitant en lui l’amour pour le prochain.
La seconde encyclique de Benoît XVI, Spe salvi, « sauvés dans l’espérance », publiée le 30 novembre 2007, met l’accent sur une deuxième vertu théologale, l’espérance. « Ce qui définit l’espérance chrétienne n’est pas seulement une manière de penser. C’est plutôt le contenu d’un message historiquement connu : l’amour de Dieu est plus fort que la mort. Historiquement, il a été plus fort que la mort en la personne de Jésus de Nazareth. Historiquement, il a été plus fort que la mort à travers la vie des générations de chrétiens depuis deux mille ans. Aujourd’hui encore il est plus fort que la mort pour quiconque veut bien accueillir la Bonne Nouvelle de la Promesse » (préface du Cardinal Vingt-Trois).
Une troisième encycloqie consacrée à la Doctrine sociale de l’Église est annoncée pour bientôt.
b) Les autres interventions magistérielles. Bien d’autres documents viennent s’y ajouter. Mentionnons les exhortations apostoliques qui reprennent fréquemment les propositions d’un synode des évêques catholiques. Sous Jean-Paul II, elles ont traité de la valeur de la souffrance quant au salut de l’âme, suivie de l’institution d’une Commission pontificale pour la santé, en 1985 ; de la sanctification du dimanche, la récitation du chapelet ou saint Rosaire, de la dignité et de la vocation de la femme, de la mission de saint Joseph, etc. Benoît XVI en a publié une sur la place du sacrement de l’Eucharistie dans la vie de l’Église et du monde, Sacramentum caritatis (2007).
D’autres lettres ont été adressées aux artistes, aux personnes âgées, et même aux enfants. Les messages prononcés notamment à Noël et à Pâques, lors de la bénédiction Urbi et orbi, à la Ville de Rome et au monde entier, revêtent aussi une importance spéciale. Des lettres apostoliques, par ex. sur le Rosaire de la Vierge Marie, des lettres motu proprio .
c) Les audiences du mercredi et les Angélus. Il faut mentionner la place importante des audiences générales du mercredi , qui, par exemple, ont permis à plus de 17 millions de pèlerins d’entendre le pape Jean-Paul II. L’on se rappellera que c’est au cours de l’une d’entre elles, sur la place Saint-Pierre, que ce même pontife a été victime d’un attentat, le 13 mai 1981 .
d) Les discours. Certains discours du Pontife romain font date. C’est le cas de celui que Jean-Paul II a prononcé à l’Unesco en 1980 sur le rôle de la culture. C’est aussi le cas du discours prononcé par Benoît XVI à Ratisbonne, par lequel, comme le lui disait le président Sarkozy, « vous pensez que la spécificité et la fécondité du christianisme ne sont pas dissociables de sa rencontre avec les fondements de la pensée grecque » (pt Sarkozy, Élysées, 12 septembre 2008), et celui du Collège des Bernardins, à Paris, discours dans lequel Benoît XVI a glosé la nécessité de quærere Deum, de chercher Dieu.
e) Les rapports avec les théologiens. La fonction magistérielle s’exerce également dans les relations de l’Église avec les théologiens, relations qui ont fait l’objet d’une instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le « ministère » de l’Église catholique chargé d’une mission positive, consistant à « promouvoir et garantir la doctrine de la foi et des mœurs dans le monde tout entier : tout ce qui touche de quelque façon à cette matière relève donc de sa compétence » (Jean-Paul II, const. ap. Pastor Bonus, 28 juin 1988, art. 48). Cette instruction, appelée Donum veritatis, « le don de la vérité », porte sur la vocation ecclésiale du théologien, le 24 mai 1990 (A.A.S. 82 (1990), p. 1550-1570) et précise les rapports de collaboration entre magistère et la théologie ainsi que le problème d’un « dissentiment » éventuel de la part de théologiens, ce que les anglo-saxons ont qualifié de droit au dissent.
L’autorité centrale a été amenée à intervenir également à plusieurs reprises pour rappeler la doctrine infrangible de l’Église face à des déviations doctrinales manifestes de certains auteurs, avec lesquels elle a entretenu un dialogue fraternel et paternel, parfois très long, sans obtenir les rectifications escomptées. Tel fut le cas, à titre d’exemple, du Suisse Hans Küng, (décl. sur quelques points de la doctrine théologique du profeseur Hans Küng, A.A.S. 72 (1980), p. 90-92), de l’Allemand Eugen Drewermann ou du Français Jacques Dupuis, S.J. (L’Osservatore Romano, 26-27 février 2001). Quel que soit l’écho donné par les moyens de communication à ces sanctions disciplinaires, celles-ci restent très limités en nombre.
La Congrégation pour la Doctrine de la foi a rappelé aussi en son temps le sens de la libération apportée par le Christ aux hommes, qui est foncièrement et premièrement la libération à l’égard du péché et des structures du péché. Face à une orientation marxisante d’une certaine théologie de la libération, elle a publié coup sur coup deux instructions, la première Libertatis nuntius « sur quelques aspects de la libération » (A.A.S. 76 (1984), p. 876-909), le 6 août 1984, la seconde Libertatis conscientia « sur la liberté chrétienne et la libération », du 22 mars 1986 (A.A.S. 79 (1987), p. 554-599). La même Congrégation s’est dotée d’une Procédure pour l’examen des doctrines, le 29 juin 1997, lui permettant d’intervenir « quand l’influence d’une publication dépasse les frontières d’une Conférence épiscopale, c’est-à-dire quand le péril pour la foi s’avère particulièrement grave ».
2. La nouvelle évangélisation
Certains d’entre vous se rappellent peut-être avoir entendu le pape Jean-Paul II lancer depuis Saint-Jacques de Compostelle, en 1982, un appel à une nouvelle évangélisation. Nous allons voir comment il se concrétise.
a) L’appel à la nouvelle évangélisation
Constatant que « la permissivité morale ne rend pas les hommes heureux, (que l)a société de consommation ne rend pas les hommes heureux. Elles ne l’ont jamais fait » (Jean-Paul II, Parc des Princes, 1980), le pape Jean-Paul II entreprit de provoquer l’Europe à un sursaut spirituel. Il faut que l’Europe reconstruise son unité spirituelle, dans le respect des autres religions et de la liberté authentique. Face à une société qui prône de plus en plus une « culture de mort », opposée au message évangélique, l’Église « entend s’engager toujours plus à défendre la culture de la vie » (Jean-Paul II, exhort. ap. Ecclesia in America).
Il s’agit en définitive de tirer l’homme de l’aliénation de la matière, des biens terrestres, pour lui redonner la liberté dans la vérité. L’homme est « aliéné quand il refuse de se transcender et de vivre l’expérience du don de soi et de formation d’une communauté humaine authentique orientée vers sa fin dernière qu’est Dieu. Une société est aliénée quand, dans les formes de son organisation sociale, de la production et de la consommation, elle rend plus difficile la réalisation de ce don et la constitution de cette solidarité entre les hommes » (Jean-Paul II, enc. Centesimus annus).
« Si au progrès technique ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l’homme, dans la croissance de l’homme intérieur (cf. Ep 3, 16 ; 2 Co 4, 16), souligne le pape Benoît XVI, alors ce n’est pas un progrès, mais une menace pour l’homme et pour le monde » (enc. Spe salvi, n° 22).
b) Les jubilés et l’entrée dans le troisième millénaire
Le mot jubilé vient de l’hébreu yôbel, « corne de bélier », utilisée comme trompe. Une sonnerie de trompe marquait l’ouverture solennelle de l’année. Le prophète Isaïe parle d’une « année de grâce » (Is 61, 2), année de rémission des péchés et des peines dues pour les péchés, année de réconciliation entre adversaires, année de multiples conversions et, dans l’Église, de pénitence sacramentelle et extra-sacramentelle. La tradition des jubilés pour l’Église universelle a été inaugurée en 1300 par le pape Boniface VIII.
Aux jubilés rappelant en principe tous les vingt-cinq ans le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu devenu homme, s’ajoutent ceux qui commémorent l’événement même de la Rédemption : la Croix du Christ, sa mort sur le Golgotha et sa Résurrection. « En ces circonstances, l’Église cherche à faire en sorte que tous les fidèles puissent bénéficier plus largement de la grâce. Voilà pourquoi les jubilés sont célébrés non seulement in Urbe, « dans la Ville » de Rome, mais aussi extra Urbem, « en dehors de la Ville ». L’année sainte célèbre un jubilé de l’ensemble de l’Église » (D. Le Tourneau, Les mots du christianisme. Catholicisme - Orthodoxie - Protestantisme, Paris, Fayard, 2005, p. 346).
Ce fut tout spécialement le cas du grand jubilé de l’An 2000, par lequel le pape Jean-Paul II a fait entrer l’Église dans le troisième millénaire. Ce jubilé exceptionnel a été annoncé dès 1994 (lettre ap. Tertio millennio adveniente) et préparé dans le monde entier au cours des trois dernières années du XXe siècle. La clôture du jubilé s’est accompagnée d’un nouveau document, Novo millennio ineunte, du 6 janvier 2001, invitant les fidèles à proclamer Jésus-Christ.
Actuellement, l’Église vit une jubilé pour célébrer le deuxième millénaire de la naissance de saint Paul, l’apôtres des nations.
c) Les Journées mondiales de la Jeunesse
Disons un mot des Journées mondiales de la Jeunesse. L’idée en est venu du succès du rassemblement des jeunes convoqué à Rome par le pape, à l’occasion de l’Année mondiale de la jeunesse, décrétée par l’ONU pour 1985. Elles ont lieu une année sur deux dans tous les diocèses du monde et, l’année suivante, dans une ville choisie à cet effet. Le message des JMJ peut se résumer ainsi : « N’ayez pas peur de prêcher l’Évangile ! Ce n’est pas le moment d’en avoir honte, c’est le moment de le clamer du haut des toits » (Jean-Paul II, à Denver).
Less JMJ donnent lieu à des rassemblements impressionnants : plus de quatre millions de jeunes à Manille en 1995, 1 200 000 à Paris en 1997 , deux millions à Rome en 2000. Le pape Benoît XVI a présidé aux JMJ de Cologne en 2005 et de Sydney en 2008 .
3. La Doctrine sociale de l’Église
La Doctrine sociale de l’Église est un « corps de principes et de déclarations du magistère de l’Église sur les relations entre les hommes. Elle interprète les réalités humaines à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale, pour orienter le comportement chrétien. Elle porte sur la personne humaine, sa dignité, ses droits et ses devoirs, sa liberté, le respect de la vie, la famille et l’éducation, le mariage, les rapports économiques et sociaux, l’exercice du pouvoir politique, la question ouvrière et le travail, les relations internationales, la solidarité entre les peuples... Toutefois, « ce n’est pas une idéologie, ni une troisième voie entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées » (Jean-Paul II).
L’Église a toujours eu une doctrine sociale, mais c’est Léon XIII (1878-1903) qui l’a solennellement affirmée dans l’encyclique Rerum novarum, « Des choses nouvelles », en 1891. Elle a insipiré le catholicisme social et la démocratie chrétienne. Jean-Paul II (1978-2005) l’a confirmée avec force » (Dominique Le Tourneau, Les mots du christianisme. Catholicisme - Orthodoxie - Protestantisme, p. 222), notamment dans trois encycliques, Laborem exercens sur la valeur du travail humain (1981), « l’intérêt pour la question sociale », Sollicitudo rei socialis (1987) et Centesimus annus pour le centième anniversaire de Rerum novarum (1991).
4. Les béatifications et les canonisations
Depuis les origines de l’Église, certains de ses membres plus éminents sont considérés saints et priés comme tels. On peut considérer que le Bon larron crucifié en même temps de Jésus, est le premier saint de la Nouvelle Alliance scellée précisément par le sang versé sur la Croix. Étienne, lapidé par les Juifs, est le premier martyr. C’est le pape Urbain VIII (1623-1644) qui unifie la procédure juridique de déclaration de sainteté, procédure révisée par la suite et modifiée pour la dernière fois par le pape Jean-Paul II, qui l’a notablement allégée.
Le procès en béatification a lieu d’abord à l’échelon diocésain, afin de s’assurer qu’un serviteur de Dieu a vécu les vertus chrétiennes à un degré héroïque. Après quoi, il devient vénérable. Le procès se poursuit au Vatican, avec l’étude d’une guérison médicalement non explicable et la proclamation du miracle reconnu, si tel est le cas. La béatification est l’acte solennel par lequel le pape déclare qu’un vénérable serviteur de Dieu est au ciel et qu’un culte peut lui être rendu localement. Après reconnaissance d’un nouveau miracle, il est procédé à la canonisation .
La canonisation est l’acte solennel par lequel le Pontife romain déclare qu’un bienheureux est saint, l’inscrit au catalogue des saints et décide qu’on peut lui rendre un culte dans l’Église universelle. Cet acte engage l’infaillibilité pontificale, c’est-à-dire qu’il ne peut être entaché d’erreur.
Les béatifications et canonisations visent à proposer aux fidèles des modèles de vie chrétienne, si possible proches d’eux. Parmi tous les nouveaux bienheureux et saints figurent des martyrs de la foi sous la Révolution française, la guerre civile d’Espagne, la révolution mexicaine des cristeros, l’évangélisation de l’Angleterre, de la Chine, de la Corée, de l’Irlande, du Japon, de la Pologne, d’Ukraine, du Vietnam, etc. Pour la première fois un tsigane a été béatifié en Espagne, en 1997 ; un évêque en tant que martyr de la persécution communiste, en 1998 ; un ménage de Romains, en 2001. Les époux Martin , parents de la petite Thérèse de l’Enfant Jésus ont été aussi béatifiés l’an dernier. Parmi les personnalités les plus populaires, citons François et Jacinthe Marto, deux des voyants de Fatima, les papes Pie IX et Jean XXIII , en 2000, le padre Pio , l’indien Juan Diego et Josémaria Escriva , en 2002, mère Teresa de Calcutta , en 2003.
5. L’évêque de Rome et les visites pastorales en Italie
Depuis saint Pierre, le pape est traditionnellement l’évêque de Rome. Vu sa charge de pasteur de l’Église universelle, c’est un cardinal-vicaire qui assure la direction du diocèse de Rome. Mais Jean-Paul II a manifesté tout l’intérêt qu’il portait à sa fonction d’évêque de la Ville éternelle en intervenant directement dans le synode diocésain, en célébrant une messe de rentrée pour les étudiants, en confessant le Vendredi Saint dans la basilique Saint-Pierre, etc. Mais aussi en visitant pratiquement toutes les paroisses du diosèse, 300 sur 334. Benoît XVI suit ses traces.
De plus, s’il est habituel que le pape se rende place d’Espagne le 8 décembre, pour honorer l’Immaculée Conception de la Vierge Marie représentée sur cette place, il n’avait plus guère coutume de se déplacer dans la péninsule depuis 1870 et la disparition des États pontificaux. Paul VI et Jean XXIII ont effectués quelques déplacements limités en Italie. Jean-Paul II a effectués quant à lui 143 visites pastorales. Benoît XVI a repris le bâton de pèlerin, quoiqu’à un rythme moins soutenu.
Il faudrait encore évoquer l’action pastorale et sacramentelle du pape, soit qu’il administre le baptême ou préside lui-même diverses cérémonies liturgiques, à Noël ou lors de ses voyages pastoraux, comme ici lors de la procession aux flambeaux, à Lourdes.
(à suivre...)