La préparation annuelle des impétrants permet de constater bien souvent une redécouverte de la doctrine sur les indulgences et de ses bienfaits. Or les Statuts de l’Ordre du Saint Sépulcre de Jérusalem, approuvés le 8 juillet 1977 par S.S. le Pape Paul VI, comprend un Appendice I portant concession de faveurs spirituelles à l’Ordre. S’appuyant sur la constitution apostolique Indulgentiarum doctrina, du 1er janvier 1967, la Sacrée Pénitencerie Apostolique accorde " une indulgence plénière que les membres de l’Ordre peuvent gagner pourvu que, remplissant les conditions habituelles (confession, communion et prière aux intentions du Pontife romain), ils émettent ou renouvellent leur engagement d’observer fidèlement les statuts de l’association ". Ce rescrit précise les dates auxquelles ladite indulgence plénière peut être gagnée.
Nous rappellerons d’abord brièvement la doctrine sur les indulgences, avant de préciser quelques cas particuliers.
I. La doctrine actuelle de l’Église catholique en matière d’indulgences
Le magistère ecclésiastique s’est prononcé à plusieurs reprises sur le sujet au cours des dernières années. Il permet de définir ce que l’on entend par indulgences (A), sans entrer dans le débat historique qui n’a pas lieu d’être ici. Il nous sera alors loisible d’expliquer l’application des indulgences (B).
A. Les affirmations magistérielles
Le texte de référence est la constitution apostolique Indulgentiarum doctrina déjà mentionnée, promulguée par Paul VI. Le Pasteur suprême de l’Église y souligne que " la fin que l’autorité ecclésiastique se propose en distribuant les indulgences est non seulement d’aider les fidèles à satisfaire pour les peines dues [pour leurs péchés déjà pardonnés], mais aussi de les inciter à accomplir des œuvres de piété, de pénitence et de charité, particulièrement celles qui servent à l’accroissement de la foi et au bien commun ". Pratique séculaire dans l’Église, les indulgences nous enseignent plusieurs leçons, que nous pouvons résumer ainsi, en suivant le Pape Paul VI : elles nous font comprendre que nous ne pouvons pas expier nos fautes par nos seules forces et que nous avons besoin de Dieu notre Maître ; elles nous montrent combien le lien qui nous unit au Christ est intime et combien notre vie spirituelle peut aider les autres (par le biais de la communion des saints) ; elles nous donnent l’espoir d’une pleine réconciliation avec Dieu notre Père ; elles contribuent à la sainteté de l’Église.
Le Saint-Père donne la définition suivante : " L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints. " Le Code de droit canonique de 1983 reprend cette définition à la lettre au canon 992.
Il convient de rappeler la doctrine catholique selon laquelle pour que l’âme retrouve sa pureté (" l’image et la ressemblance " de Dieu auxquelles elle a été créée) que le péché a altérée, il faut que le pécheur effectue une double démarche : se confesser, pour obtenir le pardon de ses fautes (ce qui, dans le cas des péchés mortels, ne peut avoir lieu que par la confession personnelle, auriculaire et secrète), et " régler " la dette ou peine temporelle due pour ses péchés. C’est précisément à propos de ce second point que les indulgences acquièrent toute leur importance et se présentent comme une marque de l’affection toute maternelle de l’Église envers ses enfants. Elle leur permet, en puisant dans le trésor des mérites infinis de Notre Seigneur et dans ceux de la Sainte Vierge et de tous les saints, de se purifier ici-bas, et donc d’abréger ou d’éviter les peines du purgatoire, et d’alléger aussi les souffrances purificatrices des âmes du purgatoire. Mais les indulgences n’ont pas pour fonction de pardonner les péchés. Elles ne peuvent pas davantage remettre la peine éternelle de l’enfer, qui est irrémissible.
Le Catéchisme de l’Église catholique reprend la même définition (n. 1471) et rappelle la doctrine que nous venons d’expliquer (n. 1472-1473).
B. Catégories d’indulgences et façons de les gagner
Traditionnellement l’Église distingue les indulgences plénières et les indulgences partielles. Les premières libèrent totalement l’âme de la peine temporelle due pour ses péchés, les secondes en partie seulement.
Toute indulgence peut être gagnée pour soi-même ou appliquée, par mode de suffrage, aux âmes bénies du purgatoire. Mais il n’est pas possible de l’appliquer à un autre vivant.
La réforme opéré par Paul VI a consisté, entre autres, à supprimer les " jours d’indulgences " qui accompagnaient jadis la récitation de telle prière ou l’accomplissement de telle bonne œuvre. En effet, l’âme qui quitte ce monde n’est plus soumise au temps. Elle entre dans l’éternité quand elle accède au Ciel. Si pour cela elle doit passer par le purgatoire, elle se trouve dans un état intermédiaire, que les théologiens qualifie d’ævum ou évité. À la place des " jours d’indulgences " Paul VI a décrété que " au fidèle qui, dans un esprit de contrition, accomplit une œuvre à laquelle est attachée une indulgence partielle, il est accordé par l’Église autant de rémission de peine temporelle qu’il lui en est déjà donné par son action " (const. ap. Indulgentiarum doctrina, Normes, n. 5).
Autrement dit, c’est l’amour mis à réaliser cette œuvre qui est pris en compte. La remise de peine temporelle qu’il a mérité est comme doublée quand l’œuvre en question est indulgenciée.
L’indulgence plénière ne peut être gagnée qu’une fois par jour, mais à nouveau le même jour si l’on se trouve à l’article de la mort. Dans ce cas, il suffit que pendant sa vie le fidèle " ait récité quelques prières d’une façon habituelle. Pour gagner cette indulgence plénière, il est recommandé d’utiliser un crucifix ou une croix " (ibid., n. 18).
Les conditions à remplir pour gagner une indulgence plénière sont :
1. avoir l’intention de la gagner ;
2. rejeter tout attachement au péché, même véniel ;
3. réaliser l’œuvre à laquelle l’indulgence est attachée ;
4. se confesser dans les huit jours ;
5. communier dans les huit jours ;
6. prier à l’intention du Pontife romain le jour où l’œuvre est accomplie.
La confession sacramentelle peut donc permettre de gagner plusieurs indulgences plénières, tandis que la communion et la prière à l’intention du Pape ne permettent d’en gagner qu’une. La prière aux intentions du Saint-Père peut être la récitation d’un Notre Père et d’un Je vous salue Marie, ou de toute autre prière selon la piété et la dévotion de chacun. Il va sans dire que l’imperfection du sujet peut faire que l’indulgence obtenue ne soit pas plénière, mais partielle.
" L’œuvre prescrite pour gagner une indulgence plénière attachée à une église ou un oratoire est la visite de cette église ou de cet oratoire, en y récitant le Notre Père et le symbole de la foi " (ibid., n. 16).
Dans toute église, l’on peut gagner une indulgence plénière le jour de la fête du titulaire de l’église en question et le 2 août, jour de l’indulgence de la Portioncule. L’Enchiridion indulgentiarum révisé précise les œuvres qui permettent de gagner des indulgences plénières ou partielles. C’est ainsi, par exemple, que faire un demi-heure d’oraison mentale devant le Saint-Sacrement, réciter le chapelet en famille, faire un Chemin de Croix, sont de pieux exercices qui permettent de gagner une indulgence plénière, tandis qu’offrir son travail permet une indulgence partielle. L’utilisation avec recueillement d’un objet béni (crucifix, croix, chapelet, scapulaire, médaille) est source d’indulgences partielles. Mais si l’objet a été béni par le Pape ou par un évêque, il est possible de gagner une indulgence plénière le jour de la fête des saints apôtres Pierre et Paul, à condition de réciter aussi une formule légitime de profession de foi.
Il en ressort la possibilité de gagner chaque jour de nombreuses indulgences partielles et une indulgence plénière. La conséquence en est que celui qui ayant par l’indulgence plénière totalement libéré son âme des peines temporelles dues pour ses péchés et n’ayant plus de péchés à se faire pardonner, viendrait à être rappelé auprès du Père, irait tout droit au Ciel. Voyons-en maintenant des applications concrètes.
II. Quelques situations particulières
Revenons d’abord aux indulgences propres aux membres de l’Ordre (A), avant d’énumérer deux cas qui mettent particulièrement en relief l’intervention de la Providence divine dans l’application des indulgences (B).
A. Les indulgences dans l’Ordre du Saint Sépulcre de Jérusalem
Les Statuts de l’Ordre, au passage cité in limine, précisent que les membres de l’Ordre, Chevaliers et Dames, peuvent gagner une indulgence plénière en tout premier lieu le jour de leur entrée dans l’Ordre, c’est-à-dire à l’occasion de la cérémonie d’Adoubement. Il convient donc qu’ils en soient dûment prévenus. Le mieux serait que leur parrain (ou leur marraine) les informe suffisamment à l’avance pour qu’ils puissent se préparer et remplir les conditions sus énumérées. À cet effet, le parrain peut, par exemple, leur faire lire et méditer ce texte et les renvoyer aux points du Catéchisme de l’Église catholique (n. 1471-1479) sur les indulgences. De la sorte, l’instruction donnée aux impétrants la veille de l’Adoubement ne sera pas une découverte, mais un simple rappel de la merveilleuse doctrine des indulgences.
Les Chevaliers et Dames peuvent gagner aussi une indulgence plénière aux dates indiquées par le rescrit de la Sacrée Pénitencerie Apostolique, à savoir en la fête de la Bienheureuse Vierge Marie, Reine de Palestine (ou Reine de Terre Sainte, à savoir le 22 août) ; de l’Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre) ; de saint Pie X (21 août) et de sainte Hélène (dont la Lieutenance de France de l’Ordre du Saint Sépulcre conserve une relique dans une chapelle de notre église capitulaire Saint Leu-Saint Gilles, à Paris, fête célébrée le 18 août).
Il ne serait pas inutile que les Délégués régionaux (ou les Prieurs) le rappellent opportunément aux membres de leurs Délégations respectives à l’occasion de l’une ou l’autre de leurs activités.
B. Deux cas d’espèce
Les deux situations particulières que nous voulons traiter sont, d’une part, les messes grégoriennes et, d’autre part, le privilège sabbatin. Nous les présentons à titre purement indicatif et illustratif, dans le plus grand respect de la liberté de chacun quant aux choix que sa conscience et sa piété peuvent lui dicter.
Les messes grégoriennes, encore dites trentain, consistent en une série de trente messes pour le repos de l’âme d’un défunt, qui doivent être célébrées pendant trente jours consécutifs sans interruption. Elles sont dites messes grégoriennes, car le pape saint Grégoire le Grand aurait obtenu d’une révélation de Dieu la promesse que grâce au trentain l’âme serait délivrée du purgatoire et admise au paradis. L’on rapporte, en effet, que se lamentant de ne plus rien pouvoir faire après sa mort pour les âmes du purgatoire envers lesquelles il brûlait d’un zèle ardent, il eut la révélation de l’efficacité du trentain. Notre Seigneur lui dit ceci : " Mon ami, je veux bien accorder en ta faveur un privilège unique : c’est que toute âme du purgatoire pour laquelle seront offertes trente messes en ton honneur et sans interruption sera immédiatement délivrée, quelle que fût sa dette envers moi ; et plus que cela, je n’attendrai pas que les messes soient célébrées, mais je délivrerai l’âme aussitôt l’offrande versée pour elle. " Cette promesse divine devrait nous inciter à aider de cette façon l’âme, notamment celle des membres de notre famille naturelle et celle des membres de notre famille spirituelle de l’Ordre du Saint Sépulcre qui se trouveraient au purgatoire à gagner le Ciel.
Quant au privilège sabbatin, il a été accordé par la bulle Sabbatine du pape Jean XXII, en 1322, à ceux qui portent avec piété le scapulaire du Mont Carmel de les délivrer du purgatoire et de les faire entrer au paradis le samedi suivant leur mort. Cette décision pontificale faisait suite à une apparition de la Très Sainte Vierge à saint Simon Stock. Marie, écrit-il, " m’apparut, entourée de sa cour, et tenant l’habit de l’Ordre elle me dit : Ce sera pour toi et les Carmes le privilège : celui qui restera fidèle à son habit jusqu’à la mort sera sauvé du feu éternel. " Le scapulaire devait rapidement opérer des miracles de conversion. Le concile Vatican II a rappelé les pratiques et les exercices de dévotion à l’égard de la Mère de Dieu, qui sont recommandés depuis des siècles par le magistère de l’Église, au nombre desquels le Pape Paul VI citait nommément " le Rosaire marial et l’usage religieux du scapulaire ". Le scapulaire doit avoir été imposé par un prêtre, et il faut le porter continuellement, puisque la promesse est faite à celui qui mourra en le portant. Il peut être remplacé par la " médaille du scapulaire ".
La prise de conscience du puits sans fond que sont les indulgences ne peut que nous conduire à rendre grâce à Dieu et à le remercier pour tant de prévenances à l’égard de ses enfants que nous sommes. Ne voyons-nous pas par là à quel point Dieu, qui a déjà pris l’initiative de nous donner la grâce de la vocation chrétienne et de l’adoption filiale, fait tout pour nous aider à rester fidèles jusqu’au bout et à recevoir la récompense d’une vie vécue dans son amour ?
Car il est clair que les indulgences ne fonctionnent pas comme des gris-gris. Elles n’ont rien d’un automatisme, qui pourrait anesthésier notre conscience. Elles ne remplissent leur rôle que pour ceux qui s’efforcent de vivre en cohérence avec la foi reçue au moment de leur baptême et, pour ce qui nous concerne, avec les engagements que nous avons contractés en entrant dans l’Ordre du Saint Sépulcre de Jérusalem.