c) Le ciel. Venons-en au ciel. Nous abordons ici de plein pied la liturgie céleste. Mais rappelons-nous ce que nous avons dit au sujet des indulgences plénières, du scapulaire, des suffrages, notamment le trentain grégorien. Il n’est pas exclu, malgré l’indignité de notre vie, que nous puissions sauter à pieds joints par-dessus le purgatoire pour entrer directement au ciel. Que le Seigneur Tout-Puissant veuille bien nous accorder cette grâce. Mais nous nous en remettons à sa Sagesse et à sa Justice.
Parlant de la Providence à sainte Catherine de Sienne, Dieu lui disait : "Je t’ai exposé son œuvre [de la Providence] depuis le commencement de la création jusqu’à la fin du monde, et je t’ai dit comment j’ai tout fait et fais tout, avec une divine et souveraine prévoyance, vous envoyant ou permettant tout ce qui vous arrive, les tribulations aussi bien que les consolations spirituelles ou temporelles. Tout est pour votre bien, pour que vous soyez sanctifiés en moi et que ma vérité s’accomplisse en vous ; car ma vérité est, et a toujours été, que je vous ai créés pour que vous ayez la vie éternelle, et je vous ai manifesté cette vérité dans le Sang du Verbe, mon Fils unique" [1]. Tel est le dessein éternel de Dieu à l’égard de tout homme.
Avec le ciel, nous changeons de registre. "Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, et qui sont parfaitement purifiées, vivent pour toujours avec le Christ. Ils sont pour toujours semblables à Dieu, parce qu’ils le voient "tel qu’il est" [2], face à face [3]" [4]. "Cette vie parfaite avec la Très Sainte Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la Vierge Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée "le ciel" [5]. "La jouissance ici-bas est si modique qu’elle est tout entière dans l’âme, tandis que là-haut elle ne pourra entrer tout entière, mais ce sera l’âme qui entrera dans elle, selon cette expression de saint Augustin : Toute la joie n’entrera pas dans ceux qui se réjouiront, mais ce seront eux qui entreront tout entiers dans cette joie" [6].
"Nous sommes appelés à voir toutes les perfections divines unies, identifiées dans leur source commune, la Déité ; à saisir comment la Miséricorde la plus tendre et la Justice la plus inflexible procèdent d’un seul et même Amour infiniment généreux et infiniment saint (...). Nous sommes appelés à voir comment cet Amour, même en son bon plaisir le plus libre, s’identifie avec la pure Sagesse ; comment rien en lui qui ne soit sage, et rien dans la Sagesse qui ne se convertisse en amour ; à voir comment cet Amour s’identifie avec le souverain Bien aimé de toute éternité, comment la divine Sagesse s’identifie avec la Vérité première toujours connue, comment toutes ces perfections s’harmonisent et ne font qu’un dans l’essence même de Celui qui est" [7].
"Alors la vision fera place à la foi ; parvenus au terme, nous tiendrons (tout le bien), et la réalité fera place à l’espérance. Et qu’adviendra-t-il de la charité ? Après avoir été ici-bas, cessera-t-elle là-haut ? Si nous aimons tout en croyant et sans voir, quel sera notre amour quand il s’alimentera de la vision et de la possession ! Il y aura donc là-haut la charité, et elle sera parfaite, selon la parole de l’Apôtre : "La foi, l’espérance, la charité : trois choses, mais la plus grande des trois est la charité" [8]" [9].
"Nous allons penser à ce que doit être le ciel, disait saint Josémaria. Ce que "l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment." Imaginez-vous ce que c’est que d’y arriver, de rencontrer Dieu, de contempler cette beauté, cet amour qui inonde nos cœurs, qui rassasie sans pourtant rassasier ? Je me demande souvent tous les jours : Comment sera-ce lorsque toute la beauté, toute la bonté, toute la merveille infinie de Dieu inondera ce pauvre vase d’argile que je suis, que nous sommes tous ? Alors je comprends bien ce que dit l’Apôtre : "Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu..." Cela en vaut la peine, mes enfants, cela en vaut la peine" [10]. Oui, nous serons à celui qui est la Beauté même, la Perfection même...
Nous aurons atteint un état de perfection, relative certes, et graduée selon le degré de sainteté auquel nous serons parvenus. Mais nul n’ambitionnera autre chose que ce qu’il a. Il sera parfaitement comblé. Il aura reçu la mesure de gloire qu’il est capable d’accueillir. Au ciel, que Dante appelle le "concile des bienheureux" [11], chacun sera pleinement heureux. "Il n’est pas possible de savoir quel sera le degré de gloire proportionné aux mérites de chacun. Il n’y a point de doute pourtant qu’il n’y ait beaucoup de différences en cela. Et c’est encore un des grands biens de cette Cité, que l’on ne portera point envie à ceux qu’on verra au-dessus de soi, comme maintenant les anges ne sont point envieux de la gloire des archanges (...). Chacun donc possédera tellement son don, l’un plus grand, l’autre plus petit, qu’il aura encore le don de n’en point désirer de plus grand que le sien." [12]
Mais nous attendons le retour du Seigneur dans sa gloire à la fin des temps.
[1] Bienheureux Raymond de Capoue, Vie de sainte Catherine de Sienne, Paris, 2000, p. 353
[2] 1 Jn 3, 2
[3] Cf. 1 Co 13, 12 ; Ap 22, 4
[4] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1023
[5] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1024
[6] Saint Thomas d’Aquin, Opusc. 62 De Beatitudine, c. 3, 2, Paris, 1858, p. 152
[7] R. Garrigou-Lagrange, La pleine perfection de la vie chrétienne, St-Maximin, 1923, p. 134-135
[8] Rm 13, 13
[9] Saint Augustin, Sermon 98, 9
[10] Bulletin d’information n° 1, p. 5
[11] Dante, La Divine comédie. Le Purgatoire, chant 21, 18, trad. Alexandre Masseron, Paris, 1954
[12] Saint Augustin, De Civitate Dei, L. 22, c. 30