B) Le Christ reviendra "juger les vivants et les morts"
Le Livre de l’Apocalypse se clôt sur une invitation pressante : Amen ! Marana tha, "viens, Seigneur Jésus !" [1] "La résurrection de tous les morts, "des justes et des pécheurs" [2], précédera le Jugement dernier. Ce sera "l’heure où ceux qui gisent dans la tombe en sortiront à l’appel de la voix du Fils de l’Homme ; ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal pour la damnation" [3]. Alors le Christ "viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges (...). Devant lui seront rassemblés toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche (...). Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à la vie éternelle" [4]" [5]. "Alors le juste se dressera en grande assurance, en face de ceux qui l’ont persécuté et qui méprisaient ses labeurs. À cette vue ils seront agités d’une horrible épouvante, ils seront dans la stupeur devant ce salut inespéré" [6]. Si je voulais parler de liberté liturgique, avec Jean de Valon, j’indiquerai, mais c’est un peu forcer son sujet, que notre liberté décide de notre participation à la liturgie céleste ou de notre exclusion.
Cet événement eschatologique, dont nous ignorons le jour et l’heure, mettra à nu face au Christ la vérité sur la relation de chaque homme à Dieu [7]. Il ne s’agit pas de juger de nouveau ceux qui étaient morts à ce moment-là, puisque le jugement particulier à scellé définitivement leur sort. Mais la convocation de toutes les créatures, angéliques, humaines et matérielles, permettra que retentisse la parole définitive de Dieu sur toute l’histoire. "Nous connaîtrons le sens ultime de toute l’œuvre de la création et de toute l’économie du salut, et nous comprendrons les chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit toute chose vers sa fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de toutes les injustices commises par ses créatures et que son amour est plus fort que la mort [8]" [9].
Alors l’Église sera "consommée dans la gloire céleste, lorsque, avec le genre humain, tout l’univers lui-même, intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa définitive perfection" [10]. Ce seront "les cieux nouveaux et la terre nouvelle" [11]. Les élus formeront "la communauté des rachetés, la Cité Sainte de Dieu [12], "l’Épouse de l’Agneau" [13]" [14]. Le cosmos lui-même sera régénéré, car "la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu (...) avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption. (...) Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule ; nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps" [15].
La prière, qui est un mode d’expression de la liturgie, n’aura plus raison d’être [16]. Elle laissera la place à la louange incessante du Dieu trois fois Saint : "Finies la corruption et l’indigence pour les fidèles ressuscités ; plus de sujet de souffrance. Une voix semblera nous dire : Asseyez-vous et mangez, comme elle disait tout à l’heure : Reposez-vous et voyez. Nous nous reposerons donc et nous verrons Dieu tel qu’il est, et de cette vision jaillira la louange de Dieu. Telle sera la vie des saints, telle l’action de l’âme en repos : une louange sans fin et non pas louange d’un jour ; mais comme ce jour lui-même ne connaîtra pas de déclin, la louange retentira dans les siècles des siècles. Écoute comme l’Écriture exprime à Dieu ce désir de nos cœurs : Heureux, Seigneur, ceux qui habitent votre maison ; ils vous loueront dans les siècles des siècles [17]" [18].
Voici d’après l’Écriture ce que nous ferons là-haut, dit encore saint Augustin : "Toute notre occupation tiendra en deux mots : Amen, Alleluia ! (...) Amen veut dire : c’est vrai ; Alleluia veut dire : louez Dieu (...). Et quand nous dirons c’est vrai, c’est Amen que nous dirons, mais avec un rassasiement en quelque sorte insatiable. Comme rien ne manquera à l’âme, ce sera le rassasiement, mais comme cette vérité qui ne nous manquera jamais, nous réjouira toujours, toujours elle produira, si je puis dire, un insatiable rassasiement ; et plus ce rassasiement sera insatiable de vérité, plus l’âme répétera avec une insatiable vérité : Amen ! Mais quelle merveille ! (...) Et parce que, sans le moindre ennui, et dans une délectation perpétuelle, nous contemplerons le vrai, parce qu’il brillera à nos yeux d’une invincible évidence, tout brûlants d’amour pour cette vérité, nous livrant à elle avec un délicieux et chaste embrassement, mais celui-là tout spirituel, nous ferons entendre le mot de la louange et nous dirons : Alleluia ! Et par l’effet de cette charité ardente que les habitants de la cité sainte ressentiront pour leurs frères et pour Dieu, tous, à l’envi, s’entraîneront à cette louange, et ils diront : Alleluia parce qu’ils diront : Amen !" [19]
[1] Ap 22, 21
[2] Ac 24, 15
[3] Jn 5, 28-29
[4] Mt 25, 31. 32. 46
[5] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1038
[6] Sg 5, 1-2
[7] Cf. Jn 12, 49
[8] Cf. Ct 8, 6
[9] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1040
[10] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium n° 48.
[11] 2 P 3, 13
[12] Cf. Ap 21, 2
[13] Ap 21, 9
[14] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1045
[15] Rm 8, 19-23
[16] Cf. saint Augustin, Sermon 99, 1
[17] Ps 83, 5
[18] Saint Augustin, Sermon 362, 31
[19] Saint Augustin, Sermon 362, 29