Le scapulaire.
Pour en revenir à la liturgie, mentionnons le scapulaire du Mont Carmel. Par la bulle Sabbatine, le pape Jean XXII a accordé en 1322 le "privilège sabbatin", promettant "à ceux qui portent avec piété le scapulaire du Mont Carmel de les délivrer du purgatoire et de les faire entrer au paradis le samedi suivant leur mort. Cette décision pontificale faisait suite à une apparition de la très Sainte Vierge à saint Simon Stock. Marie, écrit-il, "m’apparut, entourée de sa cour, et tenant l’habit de l’Ordre elle me dit : ce sera pour toi et les Carmes le privilège, celui qui restera fidèle à son habit jusqu’à la mort sera sauvé du feu éternel" [1].
"Les âmes mondaines ont une grande propension à rappeler la Miséricorde du Seigneur. — Elles s’encouragent ainsi à poursuivre leurs égarements. Il est vrai que Dieu notre Seigneur est infiniment miséricordieux, mais il est aussi infiniment juste : et il y a un jugement et il est le Juge" [2]. Cependant, "je pense sincèrement, dit un auteur spirituel, que l’une de nos plus grandes surprises au jour du Jugement sera de découvrir le peu que nous avons fait pour notre salut. Nous serons étonnés de connaître la manière continuelle et totale dont la grâce de Dieu nous a accompagnés tout au long de notre vie. Sur terre, nous reconnaissons rarement la main de Dieu. Il arrive que nous ne puissions que reconnaître : "La grâce de Dieu a été avec moi" ; mais au jour du Jugement nous verrons que, pour chaque grâce que nous avons perçue, il y en a eu cent ou dix mille qui nous sont passées totalement inaperçues" [3].
Les deux aspects du péché.
Il convient de rappeler que tout péché comporte deux aspects. Tout d’abord une faute, qui réclame le pardon de Dieu soit nécessairement dans le sacrement de la réconciliation s’il s’agit d’un péché mortel, soit aussi par d’autres voies, pour le péché véniel. Le second aspect est celui de la peine. "Tout péché, même véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin de purification, soit ici-bas, soit après la mort, dans l’état qu’on appelle Purgatoire", affirme le Catéchisme [4]. Cette purification libère de ce qu’on appelle la "peine temporelle" du péché. Ces deux peines ne doivent pas être conçues comme une espèce de vengeance, infligée par Dieu de l’extérieur, mais bien comme découlant de la nature même du péché. "Une conversion qui procède d’une fervente charité, peut arriver à la totale purification du pécheur, de sorte qu’aucune peine ne subsisterait [5]". La remise de la peine s’effectue par la pénitence que le prêtre nous donne à la fin de la confession. Mais nous sommes bien conscients qu’elle est dérisoire par rapport à ce que nous méritons. C’est voulu, afin de ne pas rendre le sacrement odieux par des pénitences trop dure à accomplir. Au prêtre d’essayer de compléter de son côté. Or, "bien des fautes ici-bas paraissent pardonnées, parce quelles ne sont pas punies ; mais le châtiment les atteindra dans la vie future. Ce n’est point en vain qu’on appelle proprement le jour du Jugement, celui où apparaîtra le Juge des vivants et des morts [6]. Au contraire, il y a quelques péchés qui reçoivent déjà leur punition sur la terre, mais qui ne porteront pas préjudice dans l’autre vie, si nous en avons reçu la rémission. C’est pourquoi au sujet de ces peines temporelles que Dieu inflige aux pécheurs pendant leur vie, pour qu’à la fin des siècles, ceux à qui ces péchés auront été remis n’en portent pas le châtiment, l’Apôtre dit [7] : "Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés par le Seigneur, mais lorsqu’il nous juge, c’est par miséricorde qu’il nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde" [8].
Saint Thomas indique pour sa part que "certaines œuvres divines sont attribuées à la justice et d’autres à la miséricorde ; car dans les unes éclate davantage la puissance de la justice et dans les autres la puissance de la miséricorde. Et pourtant la miséricorde est présente même dans la condamnation des réprouvés, leur peine étant sinon abolie du moins allégée, et la punition restant en-deçà de ce qui leur est dû. Et la justice est présente même dans la justification des impies, Dieu purifiant leur faute en raison de l’amour qu’il verse lui-même miséricordieusement au cœur, selon qu’il est écrit de la pécheresse : "Ses nombreux péchés lui sont pardonnés parce qu’elle a beaucoup aimé" [9]." [10] Nous tirerions profit d’’une relecture de l’encyclique de Jean-Paul II sur la miséricorde divine [11].
Nous pouvons participer à cette purification en offrant de petites mortifications, les difficultés et ennuis de la vie, les problèmes de santé, etc. Tout a une valeur dans les plans rédempteurs de Dieu.
Les indulgences. Nous pouvons avoir également recours aux indulgences. Le Catéchisme [12] rappelle la définition donnée par Paul VI : "L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints." [13] Ces indulgences nous font participer à la liturgie de l’Église qui établit un merveilleux échange de biens spirituels des uns aux autres. L’indulgence peut être plénière ou partielle. "À la place des "jours d’indugence", Paul VI a décrété qu’au fidèle qui, dans un esprit de contrition, accomplit une œuvre à laquelle est attachée une indulgence partielle, il est accordé par l’Église autant de rémission de peine temporelle qu’il lui en est déjà donné par son action" [14]. (...) Les conditions à remplir pour gagner une indulgence plénière sont : 1) avoir l’intention de la gagner ; 2) rejeter tout attachement au péché, même véniel ; 3) réaliser l’œuvre à laquelle l’indulgence est attachée ; 4) se confesser dans les huit jour ; 5) communier dans les huit jours ; 6) prier aux intentions du Pontife romain" [15]. Si l’indulgence est effectivement plénière, l’âme est entièrement remise à neuf. De sorte que si Dieu nous appelait à lui à ce moment précis, nous entrerions aussitôt dans la gloire. Nous pouvons obtenir des indulgences pour nous-même ou pour les âmes du purgatoire, mais pas pour nos voisins ! Les âmes du purgatoire ont déjà quitté ce monde, mais elles doivent encore se purifier. Nous pouvons les y aider en offrant des suffrages pour elles, c’est-à-dire en faisant célébrer des messes pour leur repos éternel, et en offrant des indulgences. Elles peuvent quant à elles nous aider à mener notre lutte chrétienne. "Les âmes bénies du purgatoire. — Par charité, par justice et par un égoïsme bien pardonnable — elles peuvent tant auprès de Dieu ! — tiens-en bien compte dans tes sacrifices et dans ta prière. Ah ! si tu pouvais dire, en parlant d’elles : « Mes bonnes amies, les âmes du purgatoire… » [16]
[1] D. Le Tourneau, "Réflexions sur les indulgences", Le Supplément des Nouvelles de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, n° 3, août 1998, p. 5
[3] L. Trese, La foi expliquée. tome 1. Le Credo, Paris, 1996, p. 108
[4] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1472
[5] Cf. concile de Trente, DS 1712-1713, 182
[6] Mt 12, 36
[7] 1 Co 11, 31-32
[8] Saint Augustin, Enchiridion 66, 17 ; P.L. 40, 263
[9] Lc 7, 47
[10] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique I, q. 21, a. 4 ad 1
[11] Jean-Paul II, enc. Dives in misericordia, 30 novembre 1980
[12] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1471
[13] Paul VI, const. ap. Indulgentiarum doctrina, Norme 1
[14] Paul VI, const. ap. Indulgentiarum doctrina, Norme 5
[15] D. Le Tourneau, "Réflexions sur les indulgences", Le Supplément des Nouvelles de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, n° 3, août 1998, p. 4