Les suffrages. Les suffrages, puisque le mot a été prononcé, sont les messes que l’ont fait célébrer pour les défunts. Il faut savoir à ce propos que "le pape Grégoire le Grand aurait obtenu d’une révélation de Dieu la promesse que grâce au trentain l’âme serait délivrée du purgatoire et admise au paradis. L’on rapporte, en effet, que se lamentant de ne plus pouvoir rien faire après sa mort pour les âmes du purgatoire envers lesquelles il brûlait d’un zèle ardent, il eut la révélation de l’efficacité du trentain. Notre Seigneur lui dit ceci : "Mon ami, je veux bien accorder en ta faveur un privilège unique, c’est que toute âme du purgatoire pour laquelle trente messes seront offertes en ton honneur sans interruption sera immédiatement délivrée, quelle que fût sa dette envers moi, et plus que cela, je n’attendrai pas que les messes soient célébrées, mais je délivrerai l’âme aussitôt l’offrande versée pour elle" [1]. D’où le nom de "messes grégoriennes" ou de "trentain grégorien" donné à ces suffrages.
Les derniers sacrements. Quand je dis que la liturgie entoure notre mort, je pense également aux derniers sacrements qui peuvent nous être administrés et que nous devons réclamer : en tout premier lieu, la confession de nos péchés, puis la communion sous forme de Viatique, le mot venant du latin viaticum, qui signifie "provision de voyage". C’est donc la nourriture pour le saint passage. "Recevoir le viatique est une obligation grave, afin d’obtenir une grande aide spirituelle au moment où le fidèle va entreprendre son dernier voyage et quitter ce monde. C’est pourquoi le malade peut le recevoir même s’il a déjà communié ce jour-là" [2]. Enfin l’onction des malades. Et, cerise sur le gâteau, la bénédiction apostolique in articulo mortis, "à l’article de la mort", donnée au malade qui se trouve en danger de mort, même non imminente, et comporte l’indulgence plénière (...) applicable à l’instant de la mort" [3].
Au-delà du spectacle ou de l’expérience de l’agonie, pensons à Dieu, redisons à notre Seigneur que nous L’aimons, et tenons bien fort la main de la très Sainte Vierge. Il convient d’accompagner le malade par la présence, mais aussi en l’aidant à prier, même s’il est dans le coma. Comme les parents préparent le berceau pour la naissance de leur enfant, préparons le berceau de notre naissance à la vie éternelle, notre dies natalis.
Tout cela nous aide d’abord à repousser les derniers assauts du diable, puis à faire face à la confrontation avec Dieu, pour sortir blanchis du jugement particulier qui interviendra au moment où nous quitterons ce monde. Nous sommes jugés par le Christ qui nous a gagné la vie par sa mort sur la Croix. "La Croix est également le signe du jugement, faisait remarquer Jean-Paul II. Que signifient ces mots : "Qui ne croit pas est déjà condamné" ? À ce qu’il paraît, ceci n’advient pas "après... ensuite..." L’Évangile dit "déjà". L’homme peut-il être condamné pendant qu’il est encore en vie ?
Écoutons comment Jésus explique à Nicodème (...) en quoi consiste ce jugement dont la Croix est également le signe.
"Et le jugement, le voici : la Lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. En effet, quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées, mais celui qui agit dans la vérité vient à la lumière, pour qu’il apparaisse au grand jour que ses œuvres sont faites en Dieu" [4].
Oui, la Croix est le signe du jugement. Et le jugement a une double tâche : distinguer le bien du mal et émettre une sentence.
Selon les paroles du Christ à Nicodème, celui qui émet la sentence est toutefois l’homme lui-même. L’homme moyennant ses œuvres - bonnes ou mauvaises. C’est avant tout dans la conscience que la sentence est émise.
La Coix du Christ est le témoin de ce jugement et de cette sentence. Un témoin muet ? Non ! Un témoin éloquent ! En rend témoignage Celui que le Père "a envoyé dans le monde" "pour que le monde soit sauvé par lui" : Témoin et Sauveur. Et nous, à notre tour, nous sommes "créés dans le Christ en vue des bonnes œuvres".
Si donc nous ne sommes pas sauvés, si nous nous condamnons par les œuvres du mal, c’est parce que "nous ne sommes pas venus à la lumière" : à cette lumière qu’est précisément la Croix du Christ" [5]. Mais nous, précisément, dans l’Ordre, nous sommes venus à cette Croix, nous la portons sur notre vêtement, nous l’aimons et la vénérons : "Nous vous adorons, ô Christ, et nous vous bénissons, parce que vous nous avez rachetés par votre sainte Croix."
Et puis n’oublions pas la merveilleuse réalité que nous rappelons à la Sainte Vierge dans le Memorare : "Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé vos suffrages, ait été abandonné. Animé de cette confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je viens à vous, gémissant sous le poids de mes péchés. Je me prosterne à vos pieds, ô Mère du Verbe incarné, ne méprisez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. Amen." Et comme, de surcroît, nous avons demandé à Marie, des milliers, des dizaines de milliers de fois dans notre vie de prier "pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort", comment douter un seul instant qu’elle n’exerce à fond son rôle de Mère, d’Avocate, de Refuge à ce moment-là. Mais que se passe-t-il alors ?
[1] D. Le Tourneau, "Réflexions sur les indulgences", Le Supplément des Nouvelles de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, n° 3, août 1998, p. 5
[2] D. Le Tourneau, "Viatique", Les Mots du christianisme. Catholicisme - Orthodoxie - Protestantisme, Paris, 2005, p. 648
[3] D. Le Tourneau, "Bénédiction apostolique", Ibid., p. 9
[4] Jn 3, 19-21
[5] Jean-Paul II, Homélie en la paroisse Saint-Sébastien, 21 mars 198