D’autres prières font les délices des enfants de Marie. Vers le XVe siècle, apparaît le Memorare, « Souvenez-vous », longtemps été attribuée à saint Bernard (1090-1153) : « Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé vos suffrages, ait été abandonné. Animé de cette confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je viens à vous et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. Ô Mère du Verbe incarné, ne méprisez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. Amen. » Les larmes de Marie au pied de la Croix « se sont transformées en un sourire que rien n’effacera tandis que sa compassion maternelle envers nous demeure intacte, commentait notre saint-père à Lourdes. L’intervention secourable de la Vierge Marie au cours de l’histoire l’atteste et ne cesse de susciter à son égard, dans le peuple de Dieu, une confiance inébranlable : la prière du Souvenez-vous exprime très bien ce sentiment. Marie aime chacun de ses enfants, portant d’une façon particulière son attention sur ceux qui, comme son Fils à l’heure de sa Passion, sont en proie à la souffrance ; elle les aime tout simplement parce qu’ils sont ses enfants, selon la volonté du Christ sur la Croix » [1].
Dès le XVe siècle, l’image de la Vierge au manteau connaît un immense succès, la Mater omnium, « Mère de tout et de tous », abritant la foule des chrétiens à l’ombre de son manteau, appelée encore Vierge de miséricorde. Des artistes de renom y déploient leurs talents : Francesco Lippi, Ghirlandaio, Holbein le Jeune... Jean-Paul II nous explique ce qu’est ce manteau : « Pour nous qui vivons sur cette terre, pour nous, pauvres fils d’Ève en exil, vous avez pour manteau le soleil du Christ depuis Bethléem jusqu’à Nazareth, depuis Jérusalem et le Calvaire. Vous êtes revêtue du soleil de la Rédemption de l’homme et du monde par la croix et la Résurrection de votre Fils. [2] » C’est la Vierge-du-Bon-Secours, la Mère-de-Toutes-Grâces et de Toutes-Joies...
La piété s’est exprimée également sous la forme de la Mater dolorosa, à l’heure de la déploration, les Vierges de Pitié de chez nous [3], les Pietà italiennes. Avec Le Titien, le Greco, Philippe de Champaigne, mais aussi au cinéma avec Abel Gance, le chrétien laisse son âme s’unir à Notre-Dame des douleurs, que l’art flamand a représentée avec pour attribut d’une à sept épées dirigées contre sa poitrine, en souvenir de la prophétie de Siméon : « Pour toi, tu auras l’âme transpercée d’un glaive » (Lc 2, 35). La séquence Stabat Mater commémore cet événement. Due au franciscain Jacopone de Todi (v. 1236-1306), elle rappelle que « Debout la Mère douloureuse près de la Croix était en larmes devant son Fils suspendu... » Josquin des Prés, Palestrina, Charpentier, Scarlatti, Pergolèse, Schubert, Verdi, Dvorák, Desvallières, Poulenc, Penderecki et bien d’autres nous ont fait vibrer au long des siècles avec notre Mère dolente.
Jean-Paul II faisait remarquer que « les paroles d’Élisabeth, « heureuse celle qui a cru », continuent encore à suivre la Vierge à la Pentecôte ; elles la suivent d’âge en âge, partout où se répand la connaissance du mystère salvifique du Christ, par le témoignage apostolique et l’œuvre de l’Église. Ainsi s’accomplit la prophétie du Magnificat : « Tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! » (Lc 1, 48-49). En effet, de la connaissance du mystère du Christ découle la bénédiction de sa Mère, sous la forme d’une vénération spéciale pour la Théotokos. Mais dans cette vénération est toujours comprise la bénédiction de sa foi, car la Vierge de Nazareth est devenue bienheureuse surtout par cette foi, selon les paroles d’Élisabeth » [4]. Partout, du ponant au couchant, du nord au sud, de toute terre habitée s’élève la louange de Marie, qui se veut glorification du Dieu qui a pris et nous a donné une telle Mère !
Benoît XVI, à Lourdes, faisait sa prière à haute voix : « J’aime à invoquer Marie comme étoile de l’espérance [5]. Sur les chemins de nos vies, si souvent sombres, elle est une lumière d’espérance qui nous éclaire et nous oriente dans notre marche. Par son oui, par le don généreux d’elle-même, elle a ouvert à Dieu les portes de notre monde et de notre histoire. Et elle nous invite à vivre comme elle dans une espérance invincible, refusant d’entendre ceux qui prétendent que nous sommes enfermés dans la fatalité. Elle nous accompagne de sa présence maternelle au milieu des événements de la vie des personnes, des familles et des nations. Heureux les hommes et les femmes qui mettent leur confiance en Celui qui, au moment d’offrir sa vie pour notre salut, nous a donné sa Mère pour qu’elle soit notre Mère ! » [6]
[1] Benoît XVI, Homélie en la fête de Notre-Dame des Douleurs, Lourdes, 15 septembre 2008.
[2] Jean-Paul II, Homélie du 15 août 1983, Lourdes.
[3] Cf. Émile Mâle, L’art religieux en France à la fin du moyen âge, Paris, 1922, p. 126-132.
[4] Jean-Paul II, enc. Redemptoris Mater, 25 mars 1987, n° 27.
[5] Cf. Benoît XVI, enc. Spe salvi, 30 novembre 2007, n° 50.
[6] Benoît XVI, Homélie en la solennité de l’Exaltation de la Sainte Croix, 14 septembre 2008.