II. La dévotion mariale aujourd’hui
Puisque la prière liturgique ou communautaire est la première manifestation du culte que nous devons rendre à Dieu, aussi bien directement qu’indirectement en passant par les saints, je commencerai par cet aspect (A) avant de préciser quelques points relatifs aux prières mariales les plus courantes (B).
A) La prière liturgique
La liturgie, bien entendue, est une forme privilégiée de prière mariale. « Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem », nous dit le Concile [1], liturgie à laquelle Marie prend toute sa part. « Depuis les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge est vénérée sous le titre de « Mère de Dieu », et les fidèles, en leurs prières, se réfugient sous sa protection au milieu de tous les périls et des difficultés qu’ils rencontrent » [2].
Le Salve Regina est la plus ancienne antienne connue à la Sainte Vierge, introduite dans la liturgie par Adhémard de Monteil, évêque du Puy (+ 1098). Il est généralement récité en conclusion de l’office divin. « Cette prière culmine dans la demande : « Montrez-nous Jésus. » C’est ce que Marie réalise en permanence, comme cela est figuré dans tant d’images de la Sainte Vierge répandues (...). Elle, avec son Fils dans les bras, (...) nous le montre sans cesse comme « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Parfois, avec son Fils mort sur ses genoux, elle nous rappelle la valeur infinie du sang de l’Agneau qui a été répandu pour notre salut (cf. 1 P 1, 18s ; Ep 1, 7). En d’autres occasions, en s’inclinant vers les hommes, elle rapproche son Fils de nous, et nous fait sentir la proximité de celui qui est la révélation radicale de la miséricorde [3], se manifestant ainsi elle-même comme la Mère de la Miséricorde [4] » [5].
« C’est surtout à partir du Concile d’Éphèse que le culte du peuple de Dieu envers Marie, à la fois vénération et amour, prière et imitation, grandit admirablement, selon la prophétie de Marie elle-même : « Toutes les générations m’appelleront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses (Lc 1, 48-49)6. » Le calendrier liturgique fait obligation de suivre certaines célébrations mariales. D’autres sont des mémoires universelles facultatives. D’autres encore relèvent de la piété et de la dévotion locales. Mais quel que soit le vocable invoqué, c’est toujours Marie, c’est encore notre Mère, qui nous prend par la main pour la placer dans la main de son Fils afin qu’il nous conduise au Père.
« Par une hymne du VIIe-IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l’Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer » : Ave maris stella. La vie humaine est un chemin. Vers quelle fin ? Comment en trouvons-nous la route ? s’interroge Benoît XVI. La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance. Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée. Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance » [6]. Titelouze, Charpentier, Massenet, Chausson, Fricker et d’autres l’ont mis en musique.
L’Ave Regina cælorum, « Je vous salue, reine des cieux », lui, est un chant liturgique, peut-être composé par saint Bernard (1090-1153) et qui figure à l’office des complies depuis Clément VI (1342-1352). Dufay, Charpentier, Haydn nous le font vivre.
Au cours du salut au saint-sacrement, l’on peut chanter l’Ave verum, « salut corps véritable né de la Vierge Marie », chant attribué à Innocent VI (1352-1362). L’Ave verum de Mozart est bien connu. Mais nous pourrions citer celui de Fauré, Chausson, Poulenc et, plus près de nous, de Mazé (1995).
En Orient, c’est pour la fête de l’Annonciation, le 25 mars, que Romanos le Mélode a composé au VIe s. l’Hymne acathiste, à l’occasion d’un péril écarté de sa ville de Constantinople, grâce à la victoire de Justinien sur les rebelles du parti nika. Une fois terminé le chant de l’hymne, les fidèles viennent baiser la sainte image. Encore appelé Kontakion, cette hymne est chantée debout, comme le nom l’indique (a-khathizô). Romanos le Mélode met dans la bouche de Jésus cette promesse adressée à sa Mère : « Aie confiance, ô Mère, car tu seras la première à me voir sortir du tombeau. » Il ne nous est pas loisible d’entrer davantage dans le monde oriental, à la mariologie si riche et développée. Voici simplement une prière de saint Jean Chrysostome : « Il est vraiment juste de vous proclamer bienheureuse, ô Théotokos, bienheureuse toujours, tout immaculée et Mère de notre Dieu. Vous qui êtes plus vénérable que les Chérubins et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins, vous qui sans souillure avez engendré Dieu le Verbe, vous qui êtes réellement Mère de Dieu, nous vous magnifions. » [7]
[1] Concile Vatican II, const. Sacrosanctum Concilium, n° 8.
[2] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, n° 66.
[3] Cf. Jean-Paul II, enc. Dives in misericordia, 30 novembre 1980, n° 8.
[4] Cf. Ibid., n° 9.
[5] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, n° 66.
[6] Benoît XVI, enc. Spe Salvi, 30 novembre 2007, n° 49.
[7] Citée dans Jean-Paul II, enc. Redemptoris Mater, 25 avril 1987, n° 32.