Nous n’aurions point de trop d’une séance consacrée rien qu’au Magnificat. « En Notre Dame, nous avons le plus bel exemple de la fidélité à la Parole divine. (Marie) a cru en l’accomplissement des paroles qui lui avaient été dites de la part du Seigneur (cf. Lc 1, 45) ; elle a espéré contre toute espérance en la résurrection de son Fils ; elle a aimé l’humanité au point de lui être donnée pour Mère (cf. Jn 19, 27). Ainsi, « dans la Parole de Dieu, Marie est vraiment chez elle, elle en sort et elle y rentre avec un grand naturel, dit Benoît XVI. Elle parle et pense au moyen de la Parole de Dieu ; la Parole de Dieu devient sa parole, et sa parole naît de la Parole de Dieu » [1]. Nous pouvons lui dire avec sérénité : « Sainte Marie, Mère de Dieu, notre Mère, enseignez-nous à croire, à espérer et à aimer avec vous. Indiquez-nous le chemin vers son règne ! » [2] » [3]. « En saluant Marie, Élisabeth avait commencé par l’appeler « bénie », à cause du « fruit de ses entrailles », puis « bienheureuse » en raison de sa foi (cf. Lc 1, 42.45). Ces deux bénédictions se référaient directement au moment de l’Annonciation. Or, à la Visitation, lorsque la salutation d’Élisabeth rend témoignage à ce moment primordial, la foi de Marie devient encore plus consciente et trouve une nouvelle expression. Ce qui, lors de l’Annonciation, restait caché dans les profondeurs de l’« obéissance de la foi », se libère maintenant, dirait-on, comme une flamme claire, vivifiante, de l’esprit. Les expressions utilisées par Marie (...) constituent une profession de foi inspirée, dans laquelle la réponse à la parole de la Révélation s’exprime par l’élévation spirituelle et poétique de tout son être vers Dieu. Dans ces expressions sublimes, qui sont à la fois très simples et pleinement inspirées par les textes sacrés du peuple d’Israël, transparaît l’expérience personnelle de Marie, l’extase de son cœur. En elles resplendit un rayon du mystère de Dieu, la gloire de sa sainteté ineffable, l’éternel amour qui, comme un don irrévocable, entre dans l’histoire de l’homme » [4].
« C’est « le chant des temps messianiques dans lequel convergent l’allégresse de l’ancien et celle du nouvel Israël. En effet, comme semble le suggérer saint Irénée, dans le cantique de Marie passa le tressaillement de joie d’Abraham qui pressentait le Messie (cf. Jn 8, 56) et retentit, dans une anticipation prophétique, la voix de l’Église : « Dans son exultation, Marie s’écriait en prophétisant au nom de l’Église : - Mon âme exalte le Seigneur... » [5] » [6].
Remarquons que la prière de Marie n’est pas centrée sur elle-même, mais sur Dieu, comme le montre le Magnificat. « Marie a entonné ce sublime chant au terme d’une journée harassante de voyage dans ces régions montagneuses de Judée où elle allait - « en grande hâte » dit l’Évangile - au-devant de sa cousine Élisabeth, comme le fait remarquer l’abbé de Menthière. Ce n’est pas dans un oratoire capitoné et douillet que Marie exulte dans la glorification de Dieu. C’est dans la fatigue et le poids du jour qu’elle exalte son Seigneur » [7].
« Car le Puissant fit pour moi des merveilles. Saint est son nom » (Lc 1, 49). « Pas une allusion à ses mérites à elle. Toute sa grandeur, elle la rapporte au don de Dieu qui, subsistant par essence dans toute sa puissance et sa grandeur, ne manque pas de communiquer grandeur et courage à ses fidèles, si faibles et petits qu’ils soient eux-mêmes. Et, fait remarquer saint Bède, c’est à propos qu’elle ajoute : Saint est son nom (Lc 1, 49), pour exhorter ses auditeurs et tous ceux à qui parviendraient ses paroles, pour les presser de recourir à l’invocation confiante de son nom. Car c’est de cette manière qu’ils peuvent avoir part à l’éternelle sainteté et au salut véritable, selon le texte prophétique : Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé (Jl 2, 32). C’est le nom dont elle vient de dire : Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur » [8].
[1] Benoît XVI, enc. Deus caritas est, 25 déembre 2005, n° 41.
[2] Benoît XVI, enc. Spe salvi, 30 novembre 2007, n° 50.
[3] Benoît XVI, Méditation, cathédrale Notre-Dame de Paris, 12 septembre 2008.
[4] Jean-Paul II, enc. Redemptoris Mater, 25 mars 1987, n° 36.
[5] Saint Irénée, Adversus hæreses 3, 10, 2.
[6] Paul VI, enc. Marialis cultus, n° 18.
[7] Guillaume de Menthière, Je vous salue Marie. L’art de la prière, Paris, Mame-Edifa, 2003, p. 134.
[8] Saint Bède, Homélies 1, 4.