Le péché est un acte éminemment personnel, c’est-à-dire un acte humain qui engage la volonté et la liberté de l’individu. Ne sont pas des actes humains ceux que posent l’enfant qui n’a pas encore l’usage de la raison et le fou qui en a perdu l’usage, sauf pendant les périodes éventuelles de lucidité. « Le péché, au sens propre et précis du terme, est toujours un acte de la personne, car il est un l’acte de liberté d’un homme particulier et non pas, à proprement parler, celui d’un groupe ou d’une communauté » (Jean-Paul II, exhortation apostolique Réconciliation et pénitence, n° 16).
« Je reconnais mes transgressions, et mon péché est constamment devant moi. C’est contre toi, et contre toi seul, que j’ai péché, et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux » (Psaume 51 [50], 5-6). Ce caractère personnel apparaît souvent dans l’Écriture : « Chacun doit porter sa propre charge » (Galates 6, 5) ; « chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même » (Romains 14, 12). L’Église enseigne qu’au terme de notre vie nous passerons tous devant Dieu qui prononcera le « jugement particulier » de notre vie. « Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1022). C’est donc chaque homme qui rend compte à Dieu de sa vie. Ce ne sera jamais la société ou une structure sociale qui aura à le faire.
Ceci dit, on entend parler parfois de « péché social ». Que faut-il comprendre par là ? « Parler de péché social veut dire, avant tout, reconnaître que, en vertu d’une solidarité humaine aussi mystérieuse et imperceptible que réelle et concrète, le péché de chacun se répercute d’une certaine manière sur les autres. C’est là le revers de cette solidarité qui, du point de vue religieux, se développe dans le mystère profond et admirable de la communion des saints, grâce à laquelle on a pu dire que « toute âme qui s’élève, élève le monde ». À cette loi de l’élévation correspond, malheureusement, la loi de la chute, à tel point qu’on peut parler d’une communion dans le péché, par laquelle une âme qui s’abaisse par le péché abaisse avec elle l’Église et, d’une certaine façon, le monde entier » (Jean-Paul II, exhortation citée, n° 16).
Il est également question de péché social dans un deuxième sens, du fait que certains péchés agressent directement notre prochain. Est alors « social le péché contre l’amour du prochain ; selon la loi du Christ, il est d’autant plus grave qu’il met en cause le second commandement qui est « semblable au premier » (cf. Matthieu 22, 39). Est également social tout péché commis contre la justice dans les rapports soit de personne à personne, soit de la personne avec la communauté, soit encore de la communauté avec la personne. Est social tout péché contre les droits de la personne humaine, à commencer par le droit à la vie, sans exclure le droit de naître, ou contre l’intégrité physique de quelqu’un ; tout péché contre la liberté d’autrui, spécialement contre la liberté suprême de croire en Dieu et de l’adorer ; tout péché contre la dignité et l’honneur du prochain. Est social tout péché contre le bien commun et ses exigences, dans tout l’ample domaine des droits et des devoirs des citoyens. Peut-être social le péché par action ou par omission, de la part de dirigeants politiques, économiques et syndicaux » qui ne font pas ce qui est en leur pouvoir pour développer la société, et « de la part des travailleurs qui manqueraient au devoir de présence et de collaboration qui est le leur […]. »
Un troisième sens du péché social concerne « les rapports entre les diverses communautés humaines. […] La lutte des classes, quel qu’en soit le responsable et parfois celui qui l’érige en système, est un mal social. Ainsi les oppositions tenaces entre des blocs de nations, d’une nation contre une autre, de groupes contre d’autres groupes au sein de la même nation, constituent en vérité un mal social. »
De toute façon, « l’Église sait et proclame que ces cas de péché social sont le fruit, l’accumulation et la concentration de nombreux péchés personnels. […] Les vraies responsabilités sont donc celles des personnes » (Jean-Paul II, Ibid.).