Nous avons relu avec respect [1], reconnaissance et admiration le texte sacré, nous rappelant ces paroles de saint Bède : « À celui qui possède l’amour de la Parole, sera aussi donnée l’intelligence pour comprendre cette Parole qu’il aime, tandis que celui qui n’aime pas la parole ne goûtera pas les délices de la vraie sagesse, même s’il croit la posséder, à cause de ses qualités naturelles ou de ses études » [2]. Dans l’Écriture Sainte, « que l’on ne peut comparer qu’à la Sainte Eucharistie », comme le disait Claudel [3], l’Église trouve sans cesse sa nourriture et sa force, car en elle, elle n’accueille pas seulement une parole humaine, « mais ce qu’elle est réellement : la Parole de Dieu » [4] , qui ne cesse de nous rapporter les magnalia Dei [5] au profit des hommes. De plus, pour ce qui nous concerne directement, « la recherche de spiritualité par les membres de l’Ordre trouve ses sources dans les Saintes Écritures », comme notre Lieutenant l’a écrit [6]. Des Écritures à accueillir avec intérêt pour les faire passer dans notre vie, car, nous dit Théodore de Cyr, « écouter les paroles ne suffit pas pour être sauvé. Il faut les recevoir avec foi et les garder avec fermeté. À quoi sert la promesse divine à ceux qui l’ont reçue, s’ils ne l’ont pas reçue fidèlement et s’ils n’ont pas mis leur confiance dans le pouvoir de Dieu et ne se sont pas fondus, pour ainsi dire, dans les paroles divines ? » [7]
Nous voyons émerger la première communauté chrétienne vivant dans la Cité sainte de Jérusalem, la première administration des sacrements, la première expansion missionnaire… Tout n’est que nouveauté et, pourtant, s’inscrit dans un projet divin qui ne connaît ni commencement ni fin, notre Seigneur étant lui-même « l’alpha et l’oméga » de l’Histoire [8], le principe et le terme de notre vie, en qui « nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17, 28).
Nous sommes invités à dépasser la littéralité des textes, à transcender le contenu des événements, pour en chercher une implication concrète dans notre vie de chrétien plongé dans les réalités du monde, à l’instar de nos premiers frères dans la foi, dont nous avons entrevu les ébats. En effet, « ceux qui se parent d’un nom et qui ne l’ont pas, quelle joie leur donne-t-il, ce nom, si ce n’est pas la réalité ?… Ainsi, fait remarquer l’évêque d’Hippone, beaucoup s’appellent chrétiens, mais ne le sont pas, parce qu’ils ne sont pas ce qu’ils disent être ni dans la vie, ni dans les mœurs, ni dans l’espérance, ni dans la charité » [9]. Nous voulons donc non seulement connaître la Parole révélée mais en vivre, car le Maître et Seigneur [10] veut que nous portions « du fruit en abondance » (Jn 15, 8). Or, nous dit saint Jean Damascène, « comme un arbre planté au long d’un cours d’eau, ainsi l’âme, irriguée par les divines Écritures, se trouve ornée de feuillages verts, c’est-à-dire d’œuvres qui sont belles devant Dieu » [11]. Telle est notre suprême aspiration, avec l’aide de la grâce de Dieu. Du commentaire des Actes, nous avons appris et nous continuons d’apprendre ce que l’Esprit veut nous dire. Comme Jean-Paul II l’explique en se fondant indéniablement sur son expérience : « apprendre à lire la Sainte Écriture est fondamental pour le croyant : c’est la première marche d’un escalier, qui se poursuit pas la méditation,puis par l’oraison proprement dite. Prier en partant de la lecture biblique est le chemin royal de la spiritualité chrétienne. Celui qui sait y consacrer le temps et les efforts nécessaires en recueille des fruits abondants » [12]. La lecture des Actes que nous achevons pendant cette retraite nous propose un nombre quasiment illimité de sujets. Nous en effleurerons certains, en approfondirons d’autres tandis que beaucoup resteront dans l’ombre. Ce qui importe, ce n’est pas tant ce que le conférencier dira que ce que l’Esprit Saint nous suggèrera, pourvu que nous nous mettions à son écoute et que nous nous laissions guider par lui : Veni, Sancte Spiritus, « Viens, Esprit Saint, remplis le cœur de tes fidèles — de ton fidèle que je suis — et allume en eux — allume en moi — le feu de ton amour. » Nos réflexions, formulées sur le mode méditatif, viendront donc compléter les exposés des mois derniers. Elles se centreront sur deux thèmes : aujourd’hui, nous allons étudier l’annonce de l’Évangile aux Gentils, c’est-à-dire aux païens ; puis, nous envisagerons le dernier voyage apostolique de saint Paul, puis sa montée à Rome.
[1] Réflexions dans le cadre d’une retraite de la Commanderie Saint-Remi de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem
[2] Saint Bède, Commentaire à l’Évangile de Marc
[3] P. Claudel, « Introduction à l’Évangile d’Isaïe », Le poëte et la Bible II 1945-1955, édition établie, présentée et annotée par Michel Malicet avec la collaboration de Dominique Millet et Xavier Tilliette, Paris, 2004, p. 1289
[4] Catéchisme de l’Église catholique, n° 104
[5] Saint Augustin, In Ioannis Evangelium tractatus 122, 2
[6] Me A. Damien, « Directives pour le renouveau de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem à l’approche du troisième millénaire », Les Ordres de Chevalerie, sous la direction d’André Damien, Paris,1999, p. 220
[7] Théodore de Cyr, Interpretatio Epistulæ ad Hæbreos 4
[8] Ap 1, 8 ; 21, 6 et 22, 13
[9] Saint Augustin, In Epistola Ioannis tractatus 4, 4, PL 35, 2007, cité par Jean-Paul II, « Discours à 8 000 professeurs, élèves et anciens élèves de collèges romains », 9 février 1980
[10] Voir Jn 13, 13-14
[11] Saint Jean Damascène, De fide orthod. 4, 17
[12] Jean-Paul II, Angélus, 20 juillet 1997