Notre seconde conférence porte sur ce qu’il est convenu d’appeler « le concile de Jérusalem ». En réalité, comme nous l’avons vu en terminant notre premier exposé, nous devons commencer par étudier les réactions suscitées par la conversion de Corneille (a) avant d’aborder le concile proprement dit (b).
Mais auparavant je voudrais évoquer un temps fort de notre retraite avec bien sûr la messe d’aujourd’hui et celle de demain. Je veux parler de l’adoration que nous allons assurer cette nuit devant le Saint-Sacrement exposé à notre vénération. Ce sera un moment privilégie pour ouvrir toute grande notre âme au Seigneur, pour lui parler de cœur à Cœur et lui demander de nous faire voir en toute clarté l’état de notre âme, ce que nous devons faire pour progresser sur la voie de la sainteté, ce qu’il attend de nous et, peut-être aussi, commet il nous perçoit ! Nous avons une certaine conception de nous-même qui nous est renvoyée déformée par notre égoïsme et notre orgueil. C’est un bon moment pour laisser notre cœur réagir, pour donner libre cours à nos sentiments de reconnaissance et de componction, d’action de grâces et de demande de pardon, et pour nous livrer à notre attitude favorite qui est l’adoration. « De la vertu de religion, l’adoration est l’acte premier », nous rappelle notre Catéchisme, qui ajoute : « Adorer Dieu, c’est le reconnaître comme Dieu, comme le Créateur et le Sauveur, le Seigneur et le Maître de tout ce qui existe, l’Amour infini et miséricordieux. « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte » (Lc 4, 8) dit Jésus, citant le Deutéronome (Dt 6, 13) » [1].
Jean-Paul II écrivait dans sa lettre pour le Jeudi saint de 1980, que, « en étant source de charité, l’Eucharistie a toujours été au centre de la vie des disciples du Christ. […] La vénération de Dieu qui est Amour naît, dans le culte eucharistique, de cette sorte d’intimité dans laquelle Lui-même, comme la nourriture et la boisson, remplit notre être spirituel, en lui assurant comme elles la vie. Une telle vénération « eucharistique » de Dieu correspond donc étroitement à ses desseins salvifiques. Lui-même, le Père, veut que « les vrais adorateurs » (Jn 4, 23) l’adorent ainsi. Le Christ est l’interprète de cette volonté, par ses paroles et par ce sacrement dans lequel il nous donne la possibilité d’adorer le Père, de la façon la plus conforme à sa volonté » [2]. Par avance nous nous réjouissons de ce temps de silence, d’adoration et d’intériorisation. « Adorer Dieu, dit le Catéchisme de l’Église catholique, c’est, dans le respect et la soumission absolue reconnaître le « néant de la créature » qui n’est que par Dieu. Adorer Dieu, c’est comme Marie, dans le Magnificat, le louer, l’exalter et s’humilier soi-même, en confessant avec gratitude qu’il a fait de grandes choses et que saint est son nom (voir Lc 1, 46-49). L’adoration du Dieu unique libère l’homme du repliement sur soi-même, de l’esclavage du péché et de l’idolâtrie du monde » [3].
Dès sa première encyclique, Le Rédempteur de l’homme, Jean-Paul II avait souligné que l’Eucharistie est, « au sens propre, le sacrement ineffable ! », montrant que « l’engagement essentiel, et par-dessus tout la grâce visible et jaillissante de la force surnaturelle de l’Église comme peuple de Dieu, consiste à persévérer et à progresser constamment dans le vie eucharistique, dans la piété eucharistique, à se développer spirituellement dans le climat de l’Eucharistie ». Puis il montrait le lien existant entre l’Eucharistie et la pénitence : « De fait, si la première parole de l’enseignement du Christ, si la première phrase de la « Bonne Nouvelle » de l’Évangile était : « Convertissez-vous, et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 15), le sacrement de la Passion, de la Croix et de la Résurrection semble renforcer et fortifier d’une manière toute spéciale cet appel dans nos âmes. L’Eucharistie et la pénitence deviennent ainsi, en un certain sens, deux dimensions étroitement connexes de la vie authentique selon l’esprit de l’Évangile, de la vie vraiment chrétienne. Le Christ qui invite au banquet eucharistique, est toujours le Christ qui exhorte à la pénitence, qui répète : « Convertissez-vous. » Sans cet effort constant et toujours repris pour la conversion, la participation à l’Eucharistie serait privée de sa pleine efficacité rédemptrice » [4]
a) Revenons maintenant au Livre des Actes des apôtres. Une fois de retour à Jérusalem, Pierre s’entend adresser des reproches par les fidèles de la circoncision : « Tu es entré chez des incirconcis et tu as mangé avec eux » (Ac 11, 3), et il doit justifier sa conduite.
On s’étonne que des non-Juifs aient pu accueillir l’Évangile. Des préjugés peuvent exister de nos jours aussi à l’égard de catégories de personnes ; la pensée peut nous assaillir qu’il est difficile de parler de Dieu à tel ou tel milieu ou que notre monde est décidément trop pourri. La tentation existe de faire acception de personnes. Or, face à Dieu, nous sommes tous égaux. C’est la grande révolution introduite par le christianisme et sur laquelle nous ne pouvons pas revenir par mesquinerie ou par dureté de cœur. Nous sommes tous enfants de Dieu. Les différences de sexe, d’origine sociale, de race, de culture s’estompent devant Dieu. « Il n’y a qu’une seule race sur la terre : la race des enfants de Dieu. Nous devons tous parler la même langue, celle que nous apprend notre Père qui est aux cieux : la langue du dialogue de Jésus avec son Père, la langue que l’on parle avec le cœur et avec la tête, celle dont vous vous servez en ce moment dans votre prière. C’est la langue des âmes contemplatives, celle des hommes qui ont une vie spirituelle, parce qu’ils se sont rendu compte de leur filiation divine. C’est une langue qui se caractérise par mille motions de la volonté, par des lumières dans l’intelligence, par des élans du cœur, par des décisions de mener une vie droite dans le bien, la sérénité et la paix [5]. »
[1] Catéchisme de l’Église catholique, n° 2096
[2] Jean-Paul II, lettre. ap. Dominicæ Cenæ, 24 février 1980, n°
[3] Catéchisme de l’Église catholique, n° 2097.
[4] Jean-Paul II, enc. Redemptor hominis, 4 mars 1979, n° 20
[5] Saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 13