« Les chevaliers et les dames doivent aujourd’hui encore veiller à être des « soldats du Christ », combattant par la parole et le témoignage personnel pour la solution de myriades de problèmes du monde moderne. Ils ne livrent pas bataille pour la possession d’une ville particulière mais pour le monde lui-même [1]. » Notre Lieutenant nous rappelle un mot de Sénèque : « La route de l’enseignement est longue ; la route des exemples est courte et efficace [2]. » À nous de réfléchir à la cohérence de notre foi. « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le candélabre, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Qu’ainsi brille votre lumière aux yeux des hommes, pour qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 15-16). Ce qui compte, ce n’est pas l’impression que nous pouvons produire sur les autres, mais que notre façon de faire et de dire laisse transparaître le Christ. Saint Josémaria soulignait que « nous devons tous être ipse Christus — le Christ lui-même. C’est ce que recommande saint Paul au nom de Dieu : induimini Dominum Iesum Christum — revêtez-vous de Jésus-Christ » [3]. Nous devons rendre raison de notre foi, la faire retentir avec l’assurance de celui qui est « du bon côté » et qui agit avec la puissance divine. « Seigneur, même les démons se soumettent à nous par ton nom » (Lc 10, 17), s’exclament les apôtres, émerveillés. Nous sommes appelés à changer le monde, en coopérant à l’action de l’Esprit Saint qui poursuit son œuvre dans le monde. Or, « si, dans ce temps-là — saint Jean Chrysostome se réfère à l’époque post-pentecostale —, quand il n’y avait que trois mille, que cinq mille fidèles, quand on avait pour ennemi le monde entier, quand on n’avait de consolation à attendre d’aucun côté, si alors, dis-je, on entra courageusement dans cette voie [la voie de la sainteté], à combien plus forte raison ne le pourrait-on pas aujourd’hui, où, par la grâce de Dieu, les fidèles remplissent le monde ? Et dans ce cas combien resterait-il de Gentils ? Aucun, selon moi ; nous les aurions bientôt tous gagnés et attirés à nous » [4]. Cette remarque a de quoi nous faire réfléchir. Elle nous invite à l’humilité et à une plus grande confiance en Dieu. À nous appuyer aussi davantage sur la prière, dont nous avons rappelé hier l’importance vitale. Nous ne pouvons réaliser un apostolat efficace qu’en étant une âme de prière centrée sur l’Eucharistie.
« Pourvue des dons de son fondateur, et fidèlement appliquée à garder ses préceptes de charité, d’humilité et d’abnégation, [l’Église] reçoit mission d’annoncer le royaume du Christ et de Dieu et de l’instaurer dans toutes les nations ; elle constitue de ce royaume le germe et le commencement sur terre » [5], nous dit la dernière assemblée œcuménique. Or, cette annonce est foncièrement rendue possible par la célébration de l’Eucharistie, « source et sommet de la vie du chrétien » [6], comme l’a déclaré ce même concile, et saint Josémaria n’avait cessé de prêcher, idée que Jean-Paul II explicite en ces termes, dans son encyclique L’Église vit de l’Eucharistie : « En s’unissant au Christ, le peuple de la nouvelle Alliance, loin de se refermer sur lui-même, devient « sacrement » pour l’humanité [7], signe et instrument du salut opéré par le Christ, lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt 5, 13-16) pour la rédemption de tous [8]. La mission de l’Église est en continuité avec celle du Christ : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21). C’est pourquoi, de la perpétuation du sacrifice du Christ dans l’Eucharistie et de la communion à son corps et à son sang, l’Église reçoit les forces spirituelles nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Ainsi, l’Eucharistie apparaît en même temps comme la source et le sommet de toute l’évangélisation, puisque son but est la communion de tous les hommes avec le Christ et en lui avec le Père et l’Esprit Saint. [9] »
En définitive, c’est l’Esprit, dont le Livre des Actes ne cesse de montrer la présence active, qui nous permet de rendre témoignage de notre foi. Comme le dit Guillaume de Saint Thierry, « vous rendrez témoignage parce que l’Esprit Saint rendra témoignage : lui dans votre cœur, vous par votre voix ; il vous inspirera et vous parlerez » [10].
[1] Me A. Damien, « Directives pour le renouveau de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem à l’approche du troisième millénaire », Les Ordres de Chevalerie, sous la direction d’André Damien, Paris,1999, p. 218
[2] Sénèque, Epistolæ ad Lucilium 6, 5, cité ibid., p. 219.
[3] Saint Josémaria Escriva, Forge, n° 74. Voir D. Le Tourneau, L’unité de vie et la sainteté dans la vie ordinaire d’après le bienheureux Josémaria Escriva, Paris, 1999
[4] Saint Jean Chrysostome, Homélies sur les Actes 11, 3
[5] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, n° 5
[6] Concile Vatican II, décr. Presbyterorum ordinis, n° 5
[7] Voir Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, n° 1
[8] Voir Ibid., n° 9
[9] Jean-Paul II, enc. Ecclesia de Eucharistia, n° 22.
[10] Guillaume de Saint Thierry, Le miroir de la foi 71-72