Arrivé à Éphèse, Paul va rester dans cette ville de deux à trois ans, dans des conditions qui ne seront pas toujours faciles. En effet, « la première épître aux Corinthiens, écrite précisément à Éphèse, mentionne un « combat contre les bêtes » (1 Co 15, 32). […] ». On pense à « une tribulation endurée par Paul, telle l’émeute des orfèvres [dont il va être question dans un instant et] qui aurait pu lui coûter la vie (voir Ac 19, 23ss), ou à ce danger mortel auquel il fait allusion dans 2 Co 1, 8-10 » [1] : « L’épreuve qui nous est survenue en Asie nous a accablé à l’extrême, au-delà de nos forces, à tel point que nous étions à désespérer même de conserver la vie. […] C’est [Dieu] qui nous a tiré d’une telle mort. » Paul est cependant coutumier des lourdes épreuves. Elles ne l’atteignent pas, en ce sens qu’elles ne le font pas plier. Fort de sa longue expérience, il a pu écrire aux Romains : « Si Dieu est pour nous, qui peut être contre nous ? » (Rm 8, 31), quel obstacle pourrait bien nous empêcher d’aller de l’avant ? « Si Dieu est pour nous », ou « avec nous »… Et comment donc que Dieu est avec nous ! Il nous l’a promis : « Et maintenant, moi, je serai avec vous toujours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Et il est resté de façon toute spéciale dans l’Eucharistie. Dans sa dernière lettre apostolique, Jean-Paul II rappelait que « la foi nous demande de nous tenir devant l’Eucharistie avec la conscience que nous sommes devant le Christ lui-même. […] L’Eucharistie est le mystère de présence, par lequel se réalise de manière éminente la promesse de Jésus de rester avec nous jusqu’à la fin du monde » [2].
Disons alors au Seigneur, faisant écho aux disciples d’Emmaüs : « Reste avec nous, Seigneur » (Lc 24, 29). C’est le titre de cette lettre de Jean-Paul II. Reste avec nous, car nous avons besoin de toi. N’as-tu pas affirmé : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5) ? Nous n’en faisons que trop l’expérience, tout comme nous sommes assurés aussi de ton autre affirmation : « Tout est possible à celui qui croit » (Mc 9, 23). Fais-nous sentir ta force, ta présence. Sois mon rocher, mon guide, mon rempart. « Ceux qui craignent Yahvé mettent leur confiance en Yahvé : il est leur secours et leur bouclier » (Ps 115, 11). « Tu es mon rocher et ma forteresse, et à cause de ton nom tu me conduiras et me guidera » (Ps 31, 4) sur la voie de tes commandements. Ces commandements qui se résument à aimer « le Seigneur mon Dieu de ton mon cœur, de toute mon âme et de tout mon esprit » (Mt 22, 37) et à aimer « mon prochain comme moi-même » (Mt 22, 39). Des commandements donc qui « ne sont pas écrasants », comme le fait remarquer saint Jean, en homme expérimenté (1 Jn 5, 3), mais qui ont la douceur, la suavité des choses de Dieu. Jésus-Christ nous en avertit lui-même : « Mon joug est agréable et mon fardeau léger » (Mt 11, 30), dit-il après avoir appelé à lui tous ceux peinent et ploient sous le fardeau. Aller au Christ, aller à la rencontre du Christ en Croix, sans évacuer la souffrance et les aspérités de la vie, c’est trouver le soulagement. « Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école : je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29).
Paul baptise les quelques disciples qu’il a rencontrés à Éphèse et qui n’avaient reçu jusque-là que le baptême de pénitence administré par Jean-Baptiste. Puis il leur impose les mains (voir Ac 19, 6). Il s’agit donc d’un acte, d’un geste, distinct du baptême. Quand Pierre et Jean exerçaient leur ministère en Samarie, il est déjà question non seulement du baptême des Samaritains, mais aussi d’une imposition des mains, à la suite de laquelle ils reçurent le Saint-Esprit (voir Ac 8, 16-17). Cette imposition des mains est, bien sûr, à l’origine du sacrement de la confirmation, sacrement « qui imprime un caractère et par lequel les baptisés, poursuivant le chemin de l’initiation chrétienne, sont enrichis du don de l’Esprit Saint et sont plus étroitement unis à l’Église, fortifie ceux-ci et les oblige plus strictement à être témoins du Christ en parole et en acte ainsi qu’à propager et à défendre la foi » [3]. En référence à ce passage des Actes, le Catéchisme de l’Église catholique cite Paul VI en ces termes : « Depuis ce temps, les apôtres, pour accomplir la volonté du Christ, communiquèrent aux néophytes, par l’imposition des mains, le don de l’Esprit qui porte à son achèvement la grâce du baptême (voir Ac 8, 15-17 ; 19, 5-6). […] L’imposition des mains est à bon droit reconnue par la tradition catholique comme l’origine du sacrement de la confirmation qui perpétue, en quelque sorte, dans l’Église, la grâce de la Pentecôte. [4] » Sacrement qui, avec le baptême et l’ordre, imprime un caractère indélébile à l’âme. Sacrement qui, avec le baptême et l’Eucharistie, contribue à l’initiation chrétienne complète des fidèles. Sacrement dont le nom « suggère à la fois la ratification du baptême, qui complète l’initiation chrétienne, et l’affermissement de la grâce baptismale, tous fruits du Saint-Esprit » [5].
« À Éphèse, Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul, au point qu’on appliquait sur les malades des mouchoirs et des ceintures qui avaient touché son corps, et les maladies disparaissaient et les esprits mauvais étaient chassés » (Ac 19, 11-12). Cette annotation de Luc est précieuse. Elle nous montre, en effet, que le culte des reliques remonte aux toutes premières communautés chrétiennes. Au concile de Trente (1545-1563), l’Église catholique a affirmé, à l’encontre des Réformés, la légitimité du culte rendu aux reliques des saints. Les reliques sont insignes, quand elles comprennent le corps entier, ou un membre entier, ou l’intégralité de la partie du corps sur laquelle le saint a souffert ; notables, quand il s’agit d’une partie importante du corps, mais pas d’un membre entier ; minimes, quand ce sont de petites parties, ou des parcelles, du corps. Leur authenticité est garantie par un certificat appelé « authentique » [6].
[1] A. Robert-A. Feuillet, Introduction à la Bible, Paris, 1959, vol. II, p. 381
[2] Jean-Paul II, lettre ap. Mane nobiscum Domine, 7 octobre 2004, n° 16
[3] Code de Droit Canonique, c. 879. Voir Code des canons des Églises orientales, c. 692, où la confirmation est appelée chrismation
[4] Paul VI, const. ap. Divinæ consortium naturæ, cité dans Catéchisme de l’Église catholique, n° 128
[5] Catéchisme de l’Église catholique, n° 1289
[6] Voir D. Le Tourneau, Les mots…, o.c., p. 540