Laissons-nous donc gagner par cette conviction que la prière est l’arme toute-puissante dont nous disposons, bien souvent notre seul moyen d’action, mais que personne ne peut nous retirer. Nous pouvons toujours prier et, grâce à la prière, nous pouvons dire avec saint Paul : « Je puis tout en celui qui me rend fort » (Ph 4, 13). Notre cardinal Grand-Maître a relevé qu’il « n’y a pas de spiritualité qui ne se nourrisse de la prière ». Précisant ce qu’il attend des membres de notre Ordre, il a parlé du saint rosaire, en disant : « Je le recommande à tous les membres de l’Ordre. Je suis convaincu que la récitation quotidienne du rosaire [il parle en fait du chapelet], avec l’évocation et la contemplation des quinze mystères, ne peut que resserrer leur lien privilégié avec la Terre Sainte, ce lien spécial que tous les chevaliers et toutes les dames du Saint-Sépulcre ont noué avec elle le jour de leur investiture » [1] I, 1996, p. 6]] Sans doute nous souvenons-nous de cette recommandation. Notre Lieutenant nous a, lui aussi, indiqué qu’une « dévotion filiale à la bienheureuse Vierge Marie doit être une caractéristique particulière de chaque membre de l’Ordre. De même que la foi de Marie, Mère de Jésus, illuminait le chemin suivi par les premiers disciples, elle doit aussi illuminer le chemin que prend chaque chevalier ou dame » [2].
Nous parlions de prière à propos du centurion Corneille. Nous avions dit que ses prières avaient été exaucées, ainsi que ses aumônes. Au sujet de l’aumône, qui est une des formes de la charité, citons deux textes de l’Écriture. Le premier est tiré du Livre de Tobie. Nous y lisons que « l’aumône délivre de la mort et ne laisse pas aller dans les ténèbres. Car pour tous ceux qui la font l’aumône est une offrande devant le Très-Haut » (Tb 4, 10-11). Le second texte, de saint Pierre, nous dit que « l’amour obtient le pardon d’une masse de péchés » (1 P 4, 8). Ce qui est loin d’être négligeable. Encore faut-il suivre ce conseil du Maître : « Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, en sorte que ton aumône demeure secrète ; et ton père, qui voit dans le secret, te le revaudra » (Mt 6, 3-4). Nous sommes bien sûr engagés à subvenir aux besoins de notre diocèse et d’autres institutions, mais tout spécialement de nos frères chrétiens de Terre Sainte. Pour qui intervient, nous dit Benoît XVI, « le fait de pouvoir aider n’est ni son mérite ni un titre d’orgueil. Cette tâche est une grâce. Plus une personne œuvre pour les autres, plus elle comprendra et fera sienne la Parole du Christ : « Nous sommes des serviteurs quelconques (Lc 17, 10) » [3]. C’est ce que disent les serviteurs de la parabole du maître qu’ils servent à son retour des champs. Servi inutiles sumus, dit le texte latin. « Nous sommes des serviteurs inutiles », non au sens d’incapables ou de bons à rien, mais bien à celui de « serviteurs quelconques », car, comme l’ajoute le texte, quod debuimus facere fecimus, c’est-à-dire « nous n’avons fait que ce que nous avions à faire », nous avons purement et simplement accompli notre devoir. Il n’y a donc pas lieu d’en tirer de la vaine gloire.
Comme nous aimerions voir la paix revenir au pays de notre Seigneur ! La paix entre les Israéliens et les Palestiniens, cette paix qui est la tranquillitas ordinis, selon l’expression de saint Augustin [4]. Certes, « le développement est le nouveau nom de la paix », comme Paul VI le faisait remarquer [5]. Mais il faut instaurer aussi, et la tâche est plus ardue, la paix dans les cœurs. Nous pouvons courir le risque de nous décourager face à une situation qui nous échappe et ne semble pas s’améliorer. « Souvent, note le successeur de Pierre, il ne nous est pas donné de connaître la raison pour laquelle Dieu retient son bras au lieu d’intervenir » [6].
En tout cas, et je cite encore l’encyclique Deus caritas est, « la prière comme moyen pour puiser toujours à nouveau la force du Christ devient ici une urgence tout à fait concrète. Celui qui prie ne perd pas son temps, même si la situation apparaît réellement urgente et semble pousser uniquement à l’action. La piété n’affaiblit pas la lutte contre la pauvreté ou même contre la misère du prochain. La bienheureuse Teresa de Calcutta est un exemple particulièrement manifeste que le temps consacré à Dieu dans la prière non seulement ne nuit pas à l’efficacité ni à l’activité de l’amour envers le prochain, mais en est en réalité la source inépuisable » [7]
« Le moment est [donc] venu de réaffirmer l’importance de la prière face à l’activisme et au sécularisme de nombreux chrétiens engagés dans le travail caritatif.8Benoît XVI, Ibid., n° 37. » Autrement dit, l’action est bonne et nécessaire, mais la primauté doit revenir à la prière. Vous me permettrez de mentionner à ce propos un texte de saint Josémaria, cité par le pape Jean-Paul II au moment où il le canonisait : « D’abord, prière ; ensuite, expiation ; en troisième lieu, et seulement en « troisième lieu », action. [8] »
Pour conclure sur ce point, nous admirons les conséquences de la prière assidue et des largesses de Corneille. « Voyez-vous par quoi commence l’œuvre [de l’évangélisation] des Gentils ? Par un homme pieux que ses œuvres ont rendu digne d’une telle faveur », remarque saint Jean Chrysostome [9].
[1] Card. Carlo Furno, « Vers le jubilé et le troisième millénaire », [[Annales Ordinis Equestris Sancti Sepulchri Hierosolymitani,
[2] Me A. Damien, « Directives… », o.c., p. 219
[3] Benoît XVI, enc. Deus caritas est, 25 décembre 2005, n° 35
[4] Saint Augustin, La Cité de Dieu 19, 13, 2
[5] Voir PaulL VI, enc. Populorum progressio, 26 mars 1967, nos 76-8
[6] Benoît XVI, enc. Deus caritas est, n° 38
[7] Benoît XVI, Ibid., n° 36
[9] Saint Jean Chrysostome, Homélies sur les Actes 22, 2