Le terme de mémorial requiert une explication. L’Apôtre Paul transmet la Tradition selon laquelle le Christ a prescrit de faire « ceci en mémoire de moi » (1 Corinthiens 11, 24.25), anamnesis en grec. Si le terme est présent dans la culture hellénistique, il n’y fait cependant pas référence à un repas funéraire, alors que dans la culture latine, les repas funéraires commémoratifs sont connus. Ce qu’il est intéressant de souligner dans l’usage que Jésus fait de « mémoire » ou de « mémorial », c’est que l’expression « faites ceci en mémoire de moi » « suppose une célébration qui a eu lieu : « ceci », « une célébration qui actualise le sacrifice de la Nouvelle Alliance, nouvelle et éternelle. Quand il dit : « en mémoire de moi », il semble que l’on doive comprendre : faites ceci afin que Dieu se souvienne de mon activité pour réaliser l’Alliance qu’il a voulue de toute éternité » (A. Nocent, « Mémoire, mémorial », /Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, vol. VIII, col. 1142). Les événements passés sont ainsi d’une certaine façon présents et actuels. « C’est de cette manière qu’Israël comprend sa libération d’Égypte : chaque fois qu’est célébrée la Pâque, les événements de l’Exode sont rendus présents à la mémoire des croyants afin qu’ils y conforment leur vie » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1363).
Il ne s’agit donc pas d’un simple souvenir d’un événement appartenant au passé. Celui qui le croirait serait gravement dans l’erreur. Chaque fois que la messe est célébrée, c’est le Sacrifice du Christ sur la Croix, anticipé de façon sacramentelle dans l’Eucharistie du Jeudi Saint, qui est « rendu présent » à l’autel, au cœur de la communauté des croyants et pour la vivifier afin qu’elle chemine en direction du royaume, du ciel. Le mémorial renferme une dimension « eschatologique », c’est-à-dire relative à eschata, les « dernières choses » qui se produiront à la fin du monde, quand le Christ « reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts » (Je crois en Dieu). « Le mémorial a donc deux dimensions fondamentales : l’actualisation d’un passé dans le présent, le souvenir de Dieu qui donne la force de cheminer vers l’avenir et de construire le royaume qui est présent et qui vient » (A. Nocent, cité). Pour le dire autrement, le Sacrifice du Christ « se rend présent, se perpétuant sacramentellement, dans chaque communauté qui l’offre par les mains du ministre consacré » (Jean-Paul II, encyclique L’Église vite de l’Eucharistie, n° 12).
C’est bien l’idée qui se trouve dans la tradition de l’Église. « Pour la Tradition le sacrifice historique (irrenouvelable comme tout ce qui appartient à l’histoire), sans être répété, sans que rien soit ajouté à sa puissance rédemptrice, et sans que rien ne le rende plus agréé du Père, est sacramentellement représenté et non seulement représenté. On le rend présent. Le sacrifice offert jadis, sans se ré-itérer, sans se multiplier, s’actualise dans le sacrement avec ce qui l’oriente et vers le Père et vers la multitude humaine » (J.-M. Tillard, « Théologie. Voix catholique. La communion à la Pâque du Seigneur », Eucharistia. Encyclopédie de l’Eucharistie, p. 426).
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