Le personnage de Melchisédech est une figure de l’Eucharistie, car il offre du pain et du vin (cf. Genèse 14, 18). « En Melchisédech le prêtre, nous voyons le sacrement du sacrifice du Seigneur préfiguré selon l’attestation de l’Écriture : Melchisédech, roi de Salem, offrit le pain et le vin » (saint Cyprien, Lettre 63). Avec la manne, il est une figure essentielle de l’Eucharistie, au point que saint Ambroise écrive : « Nous reconnaissons que la figure de ces sacrements a précédé l’époque d’Abraham, quand saint Melchisédech, qui n’a ni commencement, ni fin de jours, a offert le sacrifice » (De Sacramentis 5, 1). Ce qui lui permet d’affirmer que le sacrifice chrétien est antérieur au sacrifice mosaïque. « De même qu’en instituant l’Eucharistie, au cours du repas pascal, le Christ a voulu montrer la continuité du sacrement qu’il instituait avec l’alliance mosaïque, de même, en l’instituant sous les apparences du pain et du vin, il a voulu montrer sa continuité avec l’alliance noachique [de Noé], dont Melchisédech est le grand prêtre. Ainsi ce n’est pas seulement le culte de l’Ancien Testament dont le Christ réalise les figures mais ce sont tous les sacrifices que dans toutes les religions et tous les temps les hommes ont offerts à Dieu, qu’il assume et transsubstantie dans son propre sacrifice. C’est ce caractère universel du sacrifice de l’Eucharistie que signifient les apparences du pain et du vin et c’est là ce que veut dire la liturgie de la messe quand elle nous le montre préfiguré dans « le saint sacrifice, l’hostie immaculée, offert par le grand prêtre Melchisédech » (J. Daniélou, Le Mystère de l’Avent, p. 35-36). En même temps saint Ambroise établira que les sacrements de la Nouvelle Alliance sont plus efficaces que les sacrements juifs.
Dans l’eau qui jaillit du rocher de l’Horeb (cf. Exode 17, 1-7 ; Nombres 20, 7-11), la tradition a vu le sang qui jaillit du côté transpercé du Christ sur la Croix. « Que contenait la préfiguration que nous présente le temps de Moïse ? Nous y voyons que le peuple juif avait soif et qu’il murmurait parce qu’il ne trouvait pas d’eau. Moïse alors toucha la pierre et elle répandit une eau abondante, selon la parole de l’Apôtre : « Ils buvaient du Rocher spirituel qui les accompagnait. Et ce rocher était le Christ » (1 Corinthiens 10, 4). Vois le mystère : Moïse est le prophète ; le bâton est la Parole de Dieu ; l’eau coule ; le peuple de Dieu boit. Le prêtre frappe ; l’eau jaillit dans le calice pour la vie éternelle » (saint Ambroise, De Sacramentis 5, 4, cité Ibid., p. 206).
La manne que Dieu donnait chaque jour aux Hébreux pendant leur pérégrination dans le désert (cf. Exode 16, 31) est un « type » de l’Eucharistie. « Il s’agit, dans la manne comme dans l’Eucharistie, d’un secours donné par Dieu seul et que l’homme ne peut se procurer par lui-même. C’est donc une grâce surnaturelle. Il s’agit par ailleurs d’une nourriture quotidienne, ce qui distingue l’Eucharistie, sacrement de chaque jour, du baptême, sacrement donné une seule fois. Il s’agit d’une nourriture spirituelle qui devait être reçue dans des dispositions de foi (cf. 1 Corinthiens 10, 3) » (J. Daniélou, Bible et liturgie, Paris, 1950, p. 204). Elle est plus qu’une simple nourriture et constitue déjà un sacrement : « La manne signifie le pain [eucharistique], l’autel de Dieu signifie le pain [eucharistique]. Mais c’étaient déjà des sacrements. Les apparences sont diverses, mais la réalité est la même. […] La nourriture spirituelle était la même pour eux que pour nous » (saint Augustin, Tractatus in Ioannem 26, 6, 12, cité ibid., p. 203-204) Jésus-Christ utilisera ce « type » : « Vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Si quelqu’un mange de ce pain [qu’il va donner], il vivra éternellement » (Jean 6, 50-51). De sorte que « la figure eucharistique de la manne fait donc partie non seulement de la tradition commune de l’Église, mais de l’enseignement même du Christ » (J. Daniélou, Ibid., p. 205).
Le thème du repas qui unit à la divinité est fréquent chez les Pères de l’Église : « Par Salomon aussi l’Esprit nous montre la figure du sacrifice du Seigneur, en faisant mention de la victime immolée, du pain, du vin et aussi de l’autel : la Sagesse, dit-il, construit une maison et l’a soutenue de sept colonnes. Elle a immolé ses victimes, elle a mêlé dans le cratère l’eau et le vin et dressé la table. Puis elle a envoyé ses serviteurs, invitant à haute voix à venir puiser à son cratère, en disant : Venez manger mes pains et buvez le vin que j’ai mêlé pour vous. Salomon a parlé de vin mêlé, c’est-à-dire qu’il annonce prophétiquement le calice du Seigneur mêlé d’eau et de vin » (saint Cyprien, Epistola 63, 5). C’est un banquet en présence du Fils de l’homme. Il a lieu dans la maison de la sagesse qu’est le Temple ; sur la montagne, qui est la montagne de Sion, lieu de la demeure de Dieu et de la manifestation messianique ; dans la Ville, la Jérusalem terrestre, figure de la Jérusalem céleste. Il dépasse le banquet liturgique, car il donne des biens spirituels. Enfin, tous les peuples y sont admis, et non plus le seul peuple d’Israël. Ce banquet est accompli avec le Christ, car les temps messianiques sont arrivés avec lui.
Le texte sur l’Eucharistie dans son intégralité